Alexandre, le Verdoyant & l'Élixir de vie 1. Livre Un : Le voyage du héros

U ne nuit de – 323, à Babylone, la fête bat son plein dans le palais d’Alexandre. Mais le souverain paraît absent, comme préoccupé. Des présages funestes l’assaillent et, avec eux, cette certitude qu’il devra un jour mourir. Face à la soif d’exister de son maître, son plus vieux serviteur lui apprend qu’une eau merveilleuse, aux confins du monde, pourrait lui assurer l’éternité. Convaincu, Alexandre s’élance dans cette quête, monté sur Bucéphale et accompagné du sage vieillard. En chemin, l’un et l’autre se remémorent ces hauts faits qui ont fait la gloire du conquérant et assis son destin…

Quelques mois après la sortie du second épisode du Marchand de tapis de Constantinople qui avait su charmer par sa dimension poétique teintée de fantastique, les éditions Kinaye publient le premier volet, sur quatre, de la nouvelle série de Reimena Yee : Alexandre, le Verdoyant & l’Élixir de vie. L’artiste malaisienne propose d’y explorer la légende du plus fameux des Macédoniens, en s’inscrivant dans une tradition pluriséculaire, celle du Roman d’Alexandre, recueil, hagiographique, compilant les nombreux exploits prêtés à celui qui conquis de vastes territoires de l’Égypte à l’Indus et traduit dès le Vème siècle dans de multiples langues.

En aède et scribe moderne, la bédéiste offre un récit aussi riche dans son propos que par sa dimension graphique. Pour cela, elle insuffle au Voyage du héros l’emphase et les accents propres aux chansons de geste et mythes dont la mémoire se perd dans la nuit des temps ; elle y glisse également le jeu subtil de la mise en abime narrative qui fonctionne et colle parfaitement avec l’esprit de transmission d’un individu à l’autre. Le lecteur suit ainsi la trame principale conçue par Reimena Lee– la quête d’une eau de jouvence – et rebondit, au fil des pérégrinations du héros et de son servant, d’un souvenir raconté à l’autre. Avec intelligence, l’autrice laisse entrevoir que la relation des hauts faits a déjà connu des accommodements du vivant-même de l’intéressé. Outre des épisodes connus – comme le domptage de Bucéphale, ou le rappel de guerres victorieuses -, le récit est également fait de rencontres, d’échanges et de questionnements. Gloire, soif de vivre, immortalité et démesure apparaissent au cœur de l’intrigue et se cristallisent dans l’évocation d’une aventure plus fantastique autour d’une ascension céleste dispensant une leçon d’humilité.

Cette épopée est habillée avec soin par le dessin de l’artiste. Celle-ci recourt tantôt à de riches enluminures, tantôt aux élégants tracés des vases noirs à figures rouges de la Grèce antique afin de livrer des planches somptueuses qui entrent en résonance avec les divers moments du récit. Cette richesse graphique, va de pair avec un trait désormais reconnaissable et parfaitement maîtrisé. Expressif, parfois humoristique, le coup de crayon est aussi vivant qu’appréciable et la composition des planches, aussi fluide que dynamique, rend la lecture aisée. La mise en couleurs soutient agréablement l’ensemble.

Ce premier tome d’Alexandre, le Verdoyant & l’Élixir de vie ouvre une saga prometteuse et confirme le talent de son autrice. Vivement la suite !

Moyenne des chroniqueurs
7.0