Véronica Fury

À Ville-Capitale, sur les façades démesurées des buildings, s'affiche en gros plan le visage de Rebeca Olsen, qui donne les informations du jour : Moloch-29 nécessite le port du masque et des gants ; les personnes munies de moins de six prothèses doivent rester confinées ; les relations sexuelles avec les voyageurs venant de Proxima sont interdites ; les ventes d'armes battent des records quotidiens. Mars a été colonisée. La population est un mélange instable d'humains et de robots. C'est dans cet environnement qu'évolue Veronica Fury, télépathe de profession. Elle facture sa capacité à lire les pensées d'autrui, à faible distance. C'est ainsi qu'elle est embauchée par Baxter Blobs, afin de scruter l'esprit d'un certain Aldus Spice. Une expédition nocturne chez ce dernier se solde par un échec. Le lendemain, son appartement explose. Veronica entre en clandestinité, fait appel à son vieil ami Sullyvan Sullivan, qui l'héberge dans son bunker, et décide de régler cette affaire à sa manière.

Les Espagnols Artur Laperla (Melvin, Dream Team) au scénario et Marcos Morán, au dessin, livrent cet ovni dessiné et déjanté, à mi-chemin entre Science-Fiction et roman noir, le tout nimbé d'un humour et d'un cynisme de bon aloi. La société terrienne est désormais davantage peuplée de droïdes que d'hommes et femmes, ces derniers étant partis pour la planète rouge, sur laquelle l'ambiance semble être meilleure. D'ailleurs, le métier exercé par Veronica y est proscrit ; sur Terre, il est toujours toléré. Le personnage principal poursuit la tradition de ces indépendants qui se sont fait piéger dans une mission apparemment banale, qui échappent aux radars et, par vanité et gloriole personnelle, vont faire justice avec leurs propres méthodes, forcément peu académiques. Rebondissements, double jeu, exécutions sommaires, rien ne manque.

Pour cette intrigue élastique, Marcos Morán a créé un univers graphique géométrique, aux lignes droites omniprésentes, aux immeubles écrasants, aux décors dépouillés. Son noir et blanc est efficace et la fixité des visages n'est en rien gênant dans ce cloaque de répliquants. Il peut faire songer aux œuvres de Charles Burns ou de Mezzo. Quelque part entre Blade Runner et Pulp Fiction, cet album est vivement conseillé à celles et ceux qui veulent sortir des sentiers battus et se délecter des audaces de l'underground.

Moyenne des chroniqueurs
7.0