Brigantus 1. Banni

A n quatre-vingt-quatre, au nord de la Calédonie, future Écossecosse. Une troupe de centurions s'avance en terre picte dans le but de faire de nouvelles conquêtes. Parmi eux, une recrue se distingue par sa force et sa détermination : Melonius Brigantus. Pourtant, il est loin d'être apprécié de ses compagnons d'armes. Fils d'une prostituée et d'un soldat romain, il est considéré comme un bâtard par tous. À l'approche des combats, ces hommes devront néanmoins se serrer les coudes…

Yves H. a posé un défi à son père qui avoue "n'avoir jamais été tenté par le genre historique". Aussi faut-il voir Brigantus comme un western selon lui, un western brutal et sans concession : l'auteur a préféré montrer la laideur de l'humanité et son coté bestial. Bien loin du péplum, presque un huis clos tellement c'est oppressant, l'animosité est quasi palpable. L'ambiance poisseuse est très bien retranscrite et le lecteur est rapidement happé par cette intrigue certes très simple, mais le climat, les tensions et le personnage principal mystérieux à eux seuls valent le détour. Pourtant, de la lumière, il y en a : elle se trouve au cœur du héros. Différent, il est rejeté et haï. Pourtant, par conviction ou par devoir, il reste droit, juste et surtout fidèle à lui-même. L'histoire ne s'encombre pas d'informations superflues. C'est âpre et ramène à la simple lutte entre sauvagerie et civilisation, à l'exclusion de cet homme contraint de survivre dans un environnement hostile, coûte que coûte. Le conteur illustre ainsi son abnégation et sa volonté de survivre malgré le contexte hautement défavorable.

Après les derniers épisodes de Jérémiah à l'intérêt en chute libre - les avis sont largement majoritaires en ce sens -, le fan de Hermann respire de nouveau devant ce début de diptyque. Finalement, plutôt qu'une dégradation du style de l'artiste de quatre-vingt-cinq ans, il vaudrait mieux voir, ici, une évolution : le trait est lâché, rugueux et brut, les militaires ont des gueules avec des caractéristiques (pommettes, mâchoires) accentuées donnant un rendu "brut". Tout cela participe à l'instauration de cette atmosphère pesante, d'attente et de méfiance qui monte crescendo ; le danger rôde et cela se sent. Le gris du décor contraste impeccablement avec le rouge des uniformes et le bleu du maquillage ennemi.

Un soulagement pour le lecteur de constater que Papa Hermann en a encore sous les doigts. Ce premier tome (sur deux) se révèle une réussite : violent, frontal et brumeux.

Moyenne des chroniqueurs
6.0