Saga (Vaughan/Staples) 11. Tome 11

A lana, Hazel et Squire ont tout perdu. Sans moyen de transport et sans logement, ils vivotent tant bien que mal. Alana multiplie les petits jobs, plus ou moins légaux, afin de dégager assez de cash pour pouvoir quitter ce trou. Hazel et Squire mènent une vie de gamins des rues, jamais loin du basculement irréversible du mauvais côté de la loi. Pendant ce temps, très loin d'eux, d'anciennes connaissances tissent des alliances contre nature pour retrouver les fugitifs.

Après un hiatus de plusieurs années, Saga a repris, s'offrant un saut dans le temps de quelques années. Le plaisir de retrouver cet univers si particulier est indéniable. La série a indubitablement conservé son ADN, que ce soit graphiquement ou narrativement. Le monde imaginé par Fiona Staples et Brian K Vaughan est toujours aussi délirant, quitte à proposer des personnages au design parfois proche du ridicule. Cette exubérance fait évidemment partie intégrante de l'identité de cette bande dessinée. Le dessin lui-même intègre cette étrange artificialité, comme s'il résultait parfois d'un empilement mécanique de calques photoshop. Les personnages donnent parfois l'impression d'être simplement collés sur des décors, à l'instar d'acteurs se démenant face à un écran vert. Le contraste entre la fluidité du trait et une mise en couleur qui pourrait être qualifiée d'hideuse contribue à un résultat au charme kitsch indéfinissable.

Le scénario continue de mélanger une voix off, celle d'Hazel, sur un registre très intimiste et des passages qui basculent du burlesque à une violence débridée avant de glisser vers le tragique. Le récit reste imprévisible, mélangeant tous les genres pour composer un brouet qui peut paraître peu engageant de prime abord. Pourtant, il possède ce curieux goût de revenez-y quand vous y avez gouté. Le bestiaire est extravagant. L'univers propose un curieux melting pot de science-fiction et de magie sans réel équivalent. Rares sont les séries qui se permettent de surprendre un personnage dans une situation aussi embarrassante que celle d'Alana dans ce tome, et ce avec un naturel confondant.

Malheureusement, depuis la reprise, l'intrigue semble faire du surplace. Le nombre grandissant de personnages, plusieurs faisant leur retour dans ce onzième tome, ne facilite pas le rythme. Cette relative lenteur peut aussi s'expliquer de manière plus prosaïque par le nécessaire travail de deuil que doivent opérer les héros. Ce processus est au cœur des enjeux des deux derniers épisodes. Ce choix est cohérent avec le ton général de l’œuvre, qui explore des planètes exotiques ET de grands questionnements sur la vie et la mort. Ces derniers ne diffèrent finalement pas significativement entre des humains ou les natifs de Continent, Couronne ou n'importe quel autre peuple rencontré dans ces pages. Cet épisode semble donc être un tome de transition. Il se conclut malgré tout sur suffisamment d'éléments pour suggérer que l'action va reprendre dès le prochain recueil.

Moyenne des chroniqueurs
7.0