L'illusion magnifique 1. Livre 1 - New-York, 1938

F in des années 30, Roberta Miller (ne cherchez pas, c’est un pseudonyme) arrive à Grand Central en provenance de son Kansas natal. Si elle a quitté sa famille, c’est surtout la misère et l’absence de futur possible qu’elle fuit. Il faut dire qu’elle a un plan : devenir écrivaine et elle a vu sur ses pulp magazines qu’ils étaient imprimés à Big Apple… Alors, comme Rastignac en son temps : à nous deux New York !

Roman initiatique, peinture sociale et économique d’une époque, le tout sous le signe de l’âge d’or des comics, Alessandro Tota revisite l’American Dream dans L’illusion magnifique. D’abord narré par des super-héros pas encore inventés en guise de mise en abîme, le scénario suit les premiers pas de Roberta dans une Amérique se relevant à peine de la crise de 1929. Naïve et pas trop débrouillarde, l’héroïne arrive néanmoins à s’en sortir en s’acoquinant avec des militants communistes, avant de faire la connaissance, au fil de ses rencontres, d’auteurs de bande dessinée. Le genre est encore balbutiant et n’intéresse guère les éditeurs. Cependant, la parution et le succès du numéro #1 d’Action Comics et l’apparition de Superman viennent changer la donne. Au bon endroit au bon moment, Roberta saute sur l’occasion. Elle s’entend avec Frank, un peintre raté et bohème, afin de proposer ses propres justiciers masqués. Sera-ce la clef du succès ?

Très classique dans son fond, L’illusion magnifique détonne grâce à une construction narrative originale et la richesse de son approche. Autour de Roberta, c’est toute la société américaine qui s’agite et revit. D’un côté, la grande histoire : lutte des classes, révélations gênantes sur les réalités du stalinisme, montée des fascismes, etc. De l’autre, vie de tous les jours et anecdotes du métier : la misère du quotidien, les éditeurs véreux obnubilés par les chiffres, juste ce qu’il faut de proto-féminisme et, USA oblige, la fascination de tous pour l’argent et la gloire sont au programme. Will Eisner (celui du Rêveur) ainsi quelques créateurs pas moins légendaires ne sont pas loin. Il en résulte un album plein, vivant et d’une densité dramatique impressionnante. L’ensemble est emballée par une mise en page aussi surprenante que parfaitement en phase avec les états d’âme d’un personnage principal à la psychologie fouillée et à haut potentiel d’empathie.

Passionnant, touchant et particulièrement bien écrit, New York, 1938, le premier livre de L’illusion magnifique est une réussite totale dotée ce petit supplément d’âme qui fait la différence. Vivement la suite !

Moyenne des chroniqueurs
8.0