La course du siècle Saint-Louis - 1904

S aint-Louis, 30 août 1904. Quatre ans plus tôt, les représentants du pays hôte ont tout raflé aux Jeux olympiques de Paris. Les Américains veulent leur revanche, notamment au marathon qui constitue l’épreuve-phare de la manifestation. Désorganisé, il démarre en plein centre-ville, parmi une foule de badauds vaquant à leurs occupations. Sous une canicule accablante, la compétition se poursuit dans une campagne accidentée où les indications se montrent approximatives. Les sportifs sont pour leur part mal équipés et peu entraînés. L’Étasunien Thomas Hicks est couronné, même si tout le monde a compris qu’il est dopé (à la mort-aux-rats). Ironiquement, le second, le Français Albert Corey, patientera un siècle avant que justice lui soit rendue et qu’il trouve sa place sur la marche supérieure du podium.

Dans La course du siècle, Kid Toussaint déterre un événement méconnu qu’il monte comme un reportage. L’auteur amorce le projet en présentant les athlètes à l’aide d’une rapide anecdote révélant leurs principaux traits de caractère (paresseux, coureur de jupons, compétitif acharné, frères ennemis, etc.) qui expliqueront leur attitude face à la compétition. La deuxième partie raconte quant à elle un marathon complètement désordonné. Certains y confrontent leurs démons, d’autres s’y paient du bon temps. Au final, tous apparaissent attachants, c’est d’ailleurs la force de cette histoire aux accents burlesques. L’enjeu n’y est certainement pas de savoir qui va l’emporter, mais plutôt de découvrir comment chacun arrivera à se mettre les pieds dans le plat.

Il demeure fascinant de voir comment la célébration réfléchie par le baron Pierre de Coubertin a pu passer d’un amateurisme crasse à une machine à fric bien huilée. Le lecteur y décèle tout de même les germes de ce qui affligera le sport de haut niveau : la rivalité entre les nations, la volonté de gagner à tout prix et le dopage.

Le dessin semi-caricatural de José Luis Munuera tient la route. Ses personnages ont du caractère et il est agréable d'observer les représentations d’une époque où les dames se baladent avec ombrelle à la main et où les voitures côtoient les calèches. L’artiste traduit du reste particulièrement bien la chaleur et la poussière qu'ont dû affronter les marathoniens. Une astuce amusante : tout au long de la course, les organisateurs sont représentés sous forme d’ombres : ils sont en retrait, mais demeurent omniprésents.

À quelques mois du retour des Olympiques dans la capitale, le bédéphile pourrait craindre que la proposition de Kid Toussaint et José Luis Munuera soit teintée d’opportunisme commercial. Il n’en est rien, cet album est tout simplement très bon.

Moyenne des chroniqueurs
7.0