Inexistences

S ept ans après Les tourbières noires, Christophe Bec remet son habit d’auteur complet le temps d’un album-concept : Inexistences. Œuvre totale mêlant BD classique, textes illustrés et compositions XXL, l’auteur du Temps des loups propose un récit post-apocalyptique désespéré et à flanc de montagne. Ajustez vos chapskas, vérifiez vos armes et priez pour le moins pire. Au-delà du col, vous serez seul, enfin, si vous avez de la chance.

Une citation de Richard Matheson en exergue, une volonté de ranimer et de s’inscrire dans la lignée des tenants de la démesure graphique des premières années de Métal Hurlant, Bec effectue également une espèce de retour aux sources artistiques en mettant en scène un univers minéral fait de pics inaccessibles et de grottes remplies d’ombres innommables. La société s’est écroulée dans la violence et les rares survivants continuent une lutte aux causes depuis longtemps oubliées. À peu près toutes les obsessions et peurs du scénariste sont rassemblées dans cet opus. Visuellement, la tendance est similaire : granit âpre et grisonnant, neige sale et sommets inquiétants répondent aux architectures industrielles décaties suintantes des souvenirs d’une époque aussi maudite que fantasmée. Les amateurs seront ravis de retrouver la patte unique de l’artiste, les autres feront connaissance avec un des meilleurs créateurs d’atmosphère des deux dernières décennies.

Narrativement, la diversité est au programme de ce gros volume. Heureusement, car la trame de départ est des plus ténues et son développement sans réelle surprise n’auraient pas à eux seuls suffit à nourrir un projet d’une telle ampleur. En variant ses approches, le dessinateur tourne autour de son sujet et le présente sous tous les angles. Plans larges façon cinémascope ou IMAX, petite nouvelle plus intimiste et, quand même bande dessinée : tel un rapace, l’œil du lecteur surplombe les massifs et peut observer tout à son aise ces Sisyphe courant de Charybde en Scylla (avec des drones et exosquelettes aussi, ça va un moment les références mythologiques).

Superbe effort visuel, Inexistences démontre tout le talent d’un artiste en pleine possession de ses moyens. Le côté désuet ou déjà vu du propos devient pratiquement secondaire face à une réalisation graphique inspirée et techniquement sans faute.

Moyenne des chroniqueurs
6.5