Blake et Mortimer (Les Aventures de) L'Art de la Guerre

N ew York, début des années cinquante. Francis Blake, accompagné de Philip Mortimer, a été invité à donner un discours au siège des Nations-Unies. Au moment où les deux héros débarquent de leur avion, un mystérieux personnage, Olrik en personne, est arrêté après avoir vandalisé une relique égyptienne exposée au Metropolitain Museum. Désordonné et apparemment amnésique, ce dernier est interné dans une clinique spécialisée. Rapidement mis au courant de la réapparition de leur Némésis, Blake et Mortimer proposent leur aide au FBI. Avec ce maléfique individu dans les parages, toutes les calamités sont imaginables.

Après François Schuiten (Le dernier Pharaon), c’est au tour de Floc’h de proposer sa vision de l’univers jacobsien. Figure majeure du mouvement de la néo-ligne claire de la fin des années soixante-dix, le choix du co-auteur de Blitz se montre à la fois logique et stimulant. Jean-Luc Fromental et José-Louis Bocquet lui ont tissé un scénario sur mesure, axé sur l’espionnage façon Alfred Hitchcock plutôt que sur l’aventure pure et dure.

La première chose qui saute aux yeux est le choix de la stylisation emprunté par Floc’h. Pureté du trait, encrage net, cadrages et découpages recherchés, le curseur de la ligne claire a été poussé au maximum. Le résultat s’avère d’une précision et d’une élégance remarquables. Cependant, ce traitement visuel radical, associé à une mise en couleurs tout en aplat, finit par conférer à l’album une atmosphère plus hergéenne que jacobsienne. Ce glissement et échange des styles et des rendus est amusant à observer. Puis, pourquoi pas, il s’agit d'un hors-série en fin de compte.

Autre discordance peut-être plus gênante, un certain manque d’unisson entre le récit et l’approche graphique se fait remarquer. L’histoire imaginée par Fromental et Bocquet, malgré ses qualités intrinsèques, ressemble plus à une aventure calibrée pour la série régulière qu’à une exploration ou une réinvention. Le résultat n’est pas désagréable, loin de là, mais le classicisme de ces péripéties restreint ou estompe une partie de l’ambition esthétique mise en œuvre par le dessinateur. Sur une note positive, il est plaisant de noter que le lecteur a été épargné des interminables récitatifs habituellement associés au travail d’Edgar P. Jacobs.

Sun Tzu conseille d’avancer masqué et de surprendre son adversaire. Dans L’art de la guerre, Floc’h ne se cache aucunement et impose immédiatement ses intentions artistiques. Percutant, voire presque effronté, l’exercice est globalement réussi, même si un peu plus d’audace dans le propos aurait certainement renforcé la pertinence de l’entreprise.

Moyenne des chroniqueurs
6.0