Frank Margerin présente (Margerin) L'intégrale

P aris, milieu des années soixante-dix. Frank Margerin, alors jeune diplômé des Arts Appliqués, tente de placer ses dessins dans des boîtes de pub et des rédactions de la place, sans trop de réussite. Son style gros nez et cartoon n’est pas en demande. Pourquoi ne pas tenter sa chance dans la presse BD ? Il lit Pilote depuis toujours et n’a-t-il pas fini deuxième (derrière Bilal, excusez du peu) à un concours de dessin amateur en 1971 ? Grâce à un ami d’ami, comme c’est souvent le cas, il obtient un rendez-vous avec Jean-Pierre Dionnet, le rédacteur en chef du tout récent Métal Hurlant. Celui-ci a besoin de matériel pour remplir son journal et ce petit nouveau a un bon coup de crayon : il lui commande une histoire de quatre pages, pour commencer.

Problème : Métal Hurlant, c’est le repère de Moebius et Druillet. Ici, la SF et le fantastique règnent. Les soucoupes volantes et les monstres de l’espace, ce n’est pas l’univers du jeune dessinateur. Il est plus à l’aise avec l’humour bon enfant, le concret de la banlieue et la vie de tous les jours. Pour faire bonne figure, il s’adapte et se met à publier régulièrement des récits plus ou moins parodiques. Certes, il y a des lasers et des créatures extra-terrestres, mais il y a surtout des concierges en bigoudis, des pépés en charentaises, des coups de rouge sur des zincs pas nets et un baby-foot dans le fond de la salle. Le ton est à la rigolade, Fredric Brown et Robert Sheckley ne sont pas loin. Cependant, ce n’est pas exactement ce qu’il rêve de raconter.

Puis, vers 1979, au détour d’un numéro spécial rock, Frank introduit un nouveau personnage, Lucien. La réponse est excellente et, surtout, en animant ce sympathique héros et ses potes dans un cadre qu’il connaît bien, il trouve réellement sa voie. Désormais, il va se consacrer, toujours en mode rigolo, à narrer son époque. Au même moment, à la radio, Renaud et quelques autres vont lui offrir une bande son pour accompagner ce qui va devenir la BD Rock. Un peu après, en 1992, il recevra le Grand Prix à Angoulême pour service rendu et fera la fierté de ses parents.

L’intégrale Frank Margerin présente reprend chronologiquement des récits publiés entre 1976 et 1985 trouvés précédemment dans Alerte aux envahisseurs, Tranches de Brie et Tutti Frutti. Le volume est complété par une introduction de l’auteur et de quelques dessins inédits (ou presque). Malgré cet appareil critique famélique, l’ouvrage permet aux amateurs de suivre les premiers travaux et l’établissement d’un artiste important de la BD franco-belge contemporaine. Sans révolutionner le médium sur le fond, Margerin avait néanmoins apporté une bonne dose de modernité plus que bienvenue à la bande dessinée d’humour et été le fer de lance d’un mouvement marquant du Neuvième Art.

Moyenne des chroniqueurs
8.0