La voie du glaive 1. Les frères furieux

« Fratres furentes ! Fratres furentes ! » Les gradins des arènes de Ravenne résonnent du surnom donné à une paire de gladiateurs montants. Si le blond et sérieux Lento est fin stratège, Sutura, le brun, est un électron libre, toujours prompt à surprendre et, pour cela, particulièrement apprécié de public. Leur laniste les a inscrits aux sélections en vue des jeux du Colisée, à Rome. La perspective de cet avenir glorieux ravit le duo. Cependant, une affaire plus pressante attend les deux hommes dans l’immédiat. Le patricien Caecilius, qui les engage régulièrement officieusement, veut se servir d’eux comme gros bras pour régler le compte à un nouveau patron des bas-fonds : le Légionnaire. Mis au pied du mur, Lento et Sutura auront besoin de conjuguer leurs talents pour se sortir de là.

Filet et trident, casque, bouclier et épée, combats à mort et bains de sang sur le sable sous un soleil de plomb… Popularisés par l’iconographie et le cinéma, les clichés sur la gladiature ne manquent pas. Pour trancher cette image faussée, Vincent Brugeas (Bomb X, Ira dei, La République du crâne, Le roy des ribauds, Tête de chien) et Emmanuel Herzet (Section de recherche, Centaures, Alpha premières armes) se retrouvent au scénario de La voie du glavie, après avoir œuvré ensemble sur La Cagoule et Nottingham. Leur ambition est d’explorer l’univers singulier des stars des arènes à travers les aventures de deux d’entre eux.

De caractères opposés, mais complémentaires, les héros entrent en scène de la meilleure manière qui soit : dans la poussière, la sueur, l’effort et sous les cris d’une foule de spectateurs. Les présentations faites et quelques enjeux posés, le récit peut se dérouler, rythmé et sans temps mort. Les événements s’enchainent, bousculant la paire de lutteurs et l’entrainant de Charybde en Scylla, tandis qu’action et affrontements avec des soudards vont crescendo. Dans cet épisode, la démonstration de force brute semble l’emporter sur la réflexion ; toutefois, en dehors de quelques échanges de piques, les dialogues fournissent leur lot d’informations, notamment sur divers aspects du monde des gladiateurs (armes, condition physique, entraînement, popularité) et sur les intérêts des protagonistes. Puis, l’alternance entre les voix-off de Lento et Sutura apporte le point de vue de chacun, tout en éclairant leur relation.

Pour animer ces acteurs et leurs péripéties, Benoît Dellac (Hawkmoon, Nottingham, ( Pendragon) et Denis Béchu (Nautilus, Sprague ) œuvrent de pair, l’un au dessin, l’autre aux couleurs. Le premier déploie son talent de la mise en scène avec des plans aux cadrages variés doublés d'un effet de caméra portée qui renforce l’immersion et l’impression de mouvement. Bien distincts les uns des autres – tout en muscles pour ces messieurs, minces et élancées pour les quelques dames -, les personnages se révèlent expressifs et taillés pour leurs rôles ; quant aux décors, ils ont été soignés et ajoutent la touche de réalisme adéquate.

Les frères furieux inaugure avec fracas une série mêlant histoire et aventure. Malgré un schéma en apparence classique, la proposition s'avère intéressante et prenante. Les amateurs d'action et les férus de Rome antique pourront y trouver leur compte.

Moyenne des chroniqueurs
6.0