Edgar De Lisbonne à Paris, dans les…

S on épouse étant originaire du Portugal, Mathieu Sapin a souvent eu la chance de séjourner dans ce pays. Un auteur étant toujours à la recherche d’un sujet pour une prochaine BD, il a logiquement pensé situer un futur scénario du côté de Lisbonne. Il a même imprudemment promis un polar lisboète façon Dashiell Hammett à un éditeur de la place. Au fil des ans, les aléas et les errances de la création ont fait que ce projet c’est petit à petit transformé en un portrait biographique de son beau-père. Pourquoi ce changement drastique ? La personnalité et la trajectoire incroyable d’Edgar en est sûrement la raison principale.

Communiste sincère ayant grandi sous la dictature de Salazar, Edgar a connu la pauvreté, la clandestinité et l’exil forcé. Au passage, il a déserté l’armée, été la «star» d’un documentaire signé Pierre Lazareff et écrit plusieurs livres. Il possède également les preuves qu’il est un lointain descendant du Duc de Wellington (celui de Waterloo) et son visage a longtemps été affiché dans les rues de la capitale portugaise (une seule rue en vérité). En résumé, tout ce qu’il faut pour remplir un album. Évidemment, il faudra faire le tri entre les faits, les racontars et les tendances paranoïaques du vieil homme. Les Chinois le surveillent et sont prêts à le supprimer au cas où ses révélations iraient trop loin, vous comprenez.

Sapin reprend chronologiquement le cheminement de ce parent haut en couleurs et diablement attachant. Il en profite pour faire deux-trois rappels historiques et mène quelques enquêtes parallèles afin de confirmer ou d’infirmer des détails parfois un peu trop beaux pour être totalement blancs-bleus. Toujours bienveillant (mieux vaut l’être quand il s’agit de la famille proche), il dresse le portrait d’un individu lambda, courageux qui a su faire fi des aléas et a mené sa vie d’une manière volontaire, tout en restant fidèle à ses convictions.

Par contre, ce témoignage n’arrive pas à dépasser le niveau de l’anecdote particulière. Le sort d’Edgar est-il différent ou comparable de celui du reste de la population portugaise ? Sans réel recul ou mise en contexte, ce quasi-roman picaresque est certainement trop incarné et rend difficile une quelconque généralisation de son propos. Le lecteur en sera quitte pour un très bon ouvrage de souvenirs habilement mené, alternant moments graves et plus légers et doté d'un humour de tous les instants.

Moyenne des chroniqueurs
4.5