Nos adoptions 1. Nous t'avons adopté

E n prolongement de son récit autobiographique Couleur de Peau : Miel, Jung et sa compagne, Laëtitia Marty, ont multiplié les séances de dédicaces, conférences et interventions lors de projections du long métrage tiré de la bande dessinée. Lors de ces multiples occasions, ils ont rencontré de nombreuses personnes, adoptantes ou adoptées, désireuses de partager leur expérience sur l'adoption. L'un des sujets qui revenait portait sur la recherche des origines. Beaucoup sont partis à la recherche de leur famille biologique, avec plus ou moins de succès. Cet aspect fait intervenir un troisième groupe de personnages dans l'histoire d'une adoption : ceux qui ont confié leur enfant à des tiers.

A travers Nos adoptions, le couple a décidé de transcrire en bandes dessinées quelques-unes de ces rencontres impossibles. Le projet comprendra trois volumes. Le premier donne la parole aux adoptants. Les suivants donneront se consacreront aux adoptés et aux familles biologiques. Chacun vit en effet ces "retrouvailles" avec un point de vue qui lui est propre. Les espoirs et les craintes ne sont pas les mêmes, mais elles se répondent.

Des parents de cœur se sont retrouvés confrontés à cet épisode étrange. Ils ont accueilli des enfants abandonnés par leurs parents en Corée. Ils ignorent tout des circonstances qui ont poussé des hommes et des femmes à une telle décision. Ils ne les jugent pas. Leur rôle a commencé lorsque leurs enfants sont arrivés. Ils avaient conscience de ne pas hériter de pages blanches. L'histoire a débuté sans eux. Un coup de tampon en bas d'un formulaire n'a pas effacé les quelques mois ou années qui ont précédé. Il leur incombait de prendre le relai. Ils ne pouvaient qu'offrir un terreau fertile pour que ces enfants puissent grandir. Mais ils avaient aussi conscience qu'un jour, ceux qu'ils ont accueillis et aimés pourraient vouloir partir en quête de leurs racines, et même retrouver leur trace.

Quelle place serait la place de chacun dans cet arbre généalogique double ? Par le sang, Olivier, Mélanie, Cécile et Cyril appartiennent au Pays du Matin Calme. Ils n'en connaissent pourtant ni la langue, ni les coutumes. Ils ont grandi en Europe, dont ils ont embrassé la vie et la culture. Cette double appartenance a de quoi dérouter.

En trois témoignages pudiques complétés par des lettres fictives adressées par des parents adoptants aux parents biologiques, cette bande dessinée touche par sa sensibilité. Jung opte pour une mise en images sans effets faciles. L'accent est parfois mis sur les personnages, parfois sur les décors, selon les besoins de la narration. Ainsi, le chapitre consacré à Cyril s'attache à suivre le trajet fictif d'une lettre adressée d'une mère à un autre, tandis que les deux autres chapitres sont beaucoup plus centrés sur les individus, sans s'attarder sur les lieux. Le motif des racines joue par contre un rôle prépondérant pour symboliser cette quête d'identité.

Nos adoptions irradie de l'amour et de lumière de ces hommes et ces femmes qui ont tout transmis à ceux qu'ils ont recueillis. En ces temps incertains, un peu d'humanité fait du bien.

Moyenne des chroniqueurs
7.0