La part merveilleuse 3. La tête de Melek

L es toutes polarisent la société. D’un côté, les gouvernements et les gens d’affaires souhaitent les bannir des villes au nom de la productivité. De l’autre, des activistes se disent prêts à tout pour les défendre. Au milieu de tout cela, un jeune adulte, Orsay, est convaincu que les créatures ont la capacité de l’aider à guérir sa mère souffrant du cancer. En Australie, des adolescents ont découvert qu’il est possible de les dissoudre avec la neige carbonique contenue dans un extincteur ; la nouvelle fait rapidement le tour du monde et c’est l’hécatombe.

La tête de Melek conclue la trilogie La part merveilleuse. Le premier volet a d’abord émerveillé avec ces sculptures vivantes et chatoyantes surgissant un peu partout. La seconde insistait surtout sur la désillusion alors que les bestioles se font embarrassantes et parfois menaçantes. Le troisième tome s'affirme, d’une certaine façon, celui de la riposte des autorités, mais également de la levée de boucliers des militants.

Florent Ruppert et Jérôme Mulot donnent une dimension ésotérique et onirique à cette conclusion. Dans ce récit plein de bonnes intentions, le lecteur lit un propos sur la xénophobie, l’environnement, le droit des êtres vivants, sans oublier une dénonciation du néolibéralisme. Ces enjeux sociopolitiques sont toutefois occultés par la maladie de la mère et les tentatives de guérison. Les héros tentent d’y arriver en fusionnant avec les envahisseurs, un exercice long et répétitif. Pour tout dire, le duo semble être passé à côté de son sujet et cette ultime livraison déçoit.

Le dessin alterne entre minimalisme et exubérance. Les segments dans l’univers réel reposent sur un crayonné fin et des décors généralement fouillés, soutenus par une mise en couleur sobre. Les interactions avec les créatures sont pour leur part portées par de jolies illustrations colorées aux accents psychédéliques. Bien que séduisantes, elles finissent par apparaître redondantes. Le découpage demeure simple, le bédéphile pourrait s’attendre à plus d’audace de la part de ceux qui se sont montrés culottés lorsqu’ils se sont amusés avec les formats et les codes de la narration, par exemple dans Portrait d’un buveur, Soirée d’un faune ou Les week-ends de Ruppert & Mulot.

L’idée de départ de La part merveilleuse séduisait, il est triste qu’elle se soit égarée dans une forme de mysticisme.

Moyenne des chroniqueurs
6.0