Sous la ceinture

2012, Diane Berkovitch est une jeune boxeuse prometteuse. Énergique et pressée de faire ses preuves, elle est qualifiée pour le match d'ouverture des J.O de Londres. Le match débute et Diane ne vient pas. Son adversaire, Kate Donaldson, est déclarée vainqueur par abandon à la stupéfaction générale. Avant de disparaitre de la circulation, Diane laisse un message audio à la presse qui la condamne. Quelques temps plus tard, elle a changé de vie. Un soir, dans un bar, son regard s'arrête sur la télévision et là, le traumatisme revient quand l'ex-boxeuse voit son ancien entraineur. Un long chemin vers la reconstruction et la résilience commence...

Sous la ceinture est le premier travail de fiction de Freaks, autrice bien visible sur certains réseaux sociaux. La lecture débute par un avertissement situé sur le retour de couverture. Ce dernier mentionne à la fois l'aspect fictionnel de l'histoire et l'inspiration dans le réel pour certains éléments, tout en spécifiant que les sujets liés au viol et aux violences sexistes et sexuelles présents dans l'ouvrage nécessitent d'être solidement prêt pour la lecture. En effet, il faut l'être, car Freaks aborde de front ces thèmes, comme elle a déjà pu le faire dans certains de ses précédents titres. Après le choc et la résignation du personnage principal, les bédéphiles découvrent le chemin de croix de la reconstruction. Celle-ci est lente et semée d'embuches, en particulier en raison du regard de la société, trop souvent culpabilisant, générant ainsi le terreau fertile à la culture du viol. C'est le cas des journalistes au début de l'album mais aussi des propos prononcés par l'ex-entraineur Fabrice Costa-Pereira, dont l portrait est intelligemment construit, dévoilant progressivement et dans le détail son identité de prédateur sexuel. L'idée d'utiliser la boxe pour traiter la résilience est pertinente pour plusieurs raisons. Tout d'abord, les cas d'agressions sexuelles sur les mineurs et les adultes sont légion dans le milieu sportif et sont malheureusement trop vite oubliés le temps du scandale passé. La mise en parallèle de la "renaissance" du personnage principal et de ses combats semble logique, car dans les deux cas, il faut beaucoup d'efforts et de courage, parer les coups qui peuvent venir de partout, pour enfin se dépasser et se relever. L'artiste parvient également à évoquer les questions de genre dans son travail, en utilisant d'autres protagonistes comme Eliott et en faisant de Diane un homme par le biais du travestissement. Devenir Max Joubovski permet à la boxeuse de se comprendre et de s'assumer, quitte à perdre sa petite amie. Là encore, l'autrice raconte ces passages avec honnêteté, sans pathos, afin d'éviter tout jugement mais en militant sans agressivité.

Le style graphique de la dessinatrice est un subtil mélange de douceur et de violence. Elle a opté pour l'aquarelle, qu'elle a associée avec la tablette graphique. Le résultat est intéressant. Son découpage et les cadrages choisis dans les scènes les plus difficiles, particulièrement celle du viol, sont d'une redoutable efficacité. Les scènes en deviennent très réalistes, ce qui est d'autant plus glaçant. Ce dernier aspect est renforcé par le choix de la teinte bleue sur l'ensemble de la colorisation de l’album.

Sous la ceinture est une bande dessinée très forte qui ne peut pas laisser ses lecteurs indifférents. L'autrice parvient à évoquer un grand nombre de sujets dits sensibles de manière juste et sans équivoque.

Moyenne des chroniqueurs
7.0