Jumelle 2. Dépareillées

N agot. Havre de paix en Champagne-Ardenne. Une immense propriété, une nature foisonnante et un terrain d’aventures à perte de vue. Tout cela, c’est terminé. Après cinq années de bonheur, la famille Dupré la Tour prend la direction de la Guadeloupe. Le paradis terrestre laisse place à une maison bien plus petite, vécue comme un véritable clapier par Florence et Bénédicte. Du haut de leurs onze ans, les jumelles ont connu quelques premières turbulences dans leur relation fusionnelle. Mais, une telle épreuve ne peut être surmontée qu’ensemble, unies. Alors que leur mère les installe dans une chambre séparée du reste de la demeure – et donc de la famille –, les voici plus isolées et hermétiques au reste du monde que jamais. Malgré tout, Florence le sait pertinemment : l’orage va arriver.

Après Inséparables, le second tome de la série Jumelle achève, plus largement, l’ambitieuse plongée de l’auteure au cœur de son enfance (entamée avec Cruelle et poursuivie avec les deux tomes de Pucelle). Dans cet opus, les deux sœurs vont peu à peu s’autonomiser, se différencier. Mais là où Béné semble s’en satisfaire sans trop y réfléchir, Flo, elle, en souffre terriblement. L’adolescence avançant, les jumelles sont en effet rapidement confrontées à une hypersexualisation et les premiers amours pointent le bout de leur nez. Comment Bénédicte pourrait-elle vouloir partager sa vie avec quelqu’un d’autre ? C’est à cette question qu’est confrontée Florence, à son grand dam.

Par ailleurs, Il y a longtemps que le lecteur a compris que la jeune fille a grandi dans un milieu social particulièrement réactionnaire. Il n’empêche, le bédéphile a toujours autant matière à s’indigner des effets de ce conservatisme. C’est ainsi, par exemple, que Florence se retrouve totalement perdue face aux différentes injonctions patriarcales et hétéronormées qui la façonnent. D’un côté, aimer Bénédicte ferait d’elle une homosexuelle. De l’autre, être attirée par des garçons ferait d’elle un homosexuel, elle qui s’est toujours considérée comme un garçon. Dans un cas comme dans l’autre, ses parents (et la religion…) ne le permettraient pas.

Le récit enchaîne souvenirs et anecdotes, plus ou moins diffus. Il fait également la part belle aux ressentis et à l’état d’esprit de Florence à mesure qu’elle s’épanouit. L’auteure excelle alors dans l’art d’imager ses émotions. Sublimement et délicatement mises en couleur, les planches regorgent ainsi toutes de trouvailles graphiques et d’ingéniosité.

Dernier tome toujours aussi marquant et convaincant, Dépareillées clôt une œuvre autobiographique passionnante. Indispensable.

Moyenne des chroniqueurs
7.3