Je suis leur silence Je suis leur silence - Un polar…

E va Rojas dort peu, passe du coq à l’âne sans crier gare, n’a pas sa langue dans sa poche, va parfois (enfin souvent) bien vite en besogne, possède une libido aussi diversifiée que débridée et est incapable de recul vis-à-vis d’elle-même. Bref rien de rédhibitoire… sauf lorsque vous êtes psychiatre !

Empruntant les chemins de Manuel Vázquez Montalbán, Jordi Lafebre s’essaye à sortir des sentes de la nostalgie et du feel good pour emprunter les voies plus tortueuses du crime.

Prenant pour terrain de jeu Barcelone et le vignoble du D.O. Cava, l’auteur des Beaux étés tente une incursion dans les méandres du crime et de la corruption ; mais attention, toute comparaison avec Jazz Maynard se limite à la nationalité des auteurs. Faisant plus dans le girly pétillant que dans les boites de jazz d’El Raval, Jordi Lafebre s’invente une héroïne dans l’air du temps, border HPI, tatouée et un brin bipolaire…

La principale originalité de l’album réside dans le procédé narratif qui utilise la thérapie suivie par Eva comme fil rouge d’une énigme policière qui se joue sur une petite semaine. Enlevé et rythmé, bénéficiant d’un casting bien typé, le scénario ne laisse que peu de répit, à l‘image de son égérie, thérapeute hyperactive. Menée habilement, cette agréable histoire s’offre une relative cohérence qui en renforce la crédibilité. Mais dans tout bon roman noir qui se respecte, il faut des méchants, des vrais, et là, Pepe Carvalho est loin ! Comme déjà dit, Jordi Lafebre possède un graphisme par trop empathique, trop tendre pour croquer les bad boys (ou les bad girl !). Pour ce faire, son style doit radicalement changer, devenir peut-être plus anguleux, plus tranchant et s’attacher au côté sombre de ses personnages et non à leur luminosité !

Gentille distraction trépidante, Je suis leur silence joue finalement plus sur le répertoire de la comédie que du polar.