RIP 6. Eugène - Toutes les bonnes choses…

E ugène n’a jamais eu de chance. Criminel de dixième ordre en liberté conditionnelle, il vit dans une caravane avec sa mère, une mégère acariâtre. Victime de violence scolaire, familiale et carcérale, le chétif devenu costaud se venge en tapant sur tout un chacun. Il travaille pour une entreprise spécialisée dans le nettoyage de maisons où des personnes sont décédées, parfois depuis plusieurs mois. Le taf étant aussi répugnant que mal payé, il est tentant de voler un objet précieux. La disparition d’une bague marque d’ailleurs le point de départ (et d'arrivée) de RIP, une série en six volets.

Toutes les bonnes choses ont une fin conclut la saga. Chacune des publications raconte un personnage dans un livre composé de segments alternant entre le passé du protagoniste et une époque indéfinie, probablement les années 1990, où sont réunis les acteurs. Les mésaventures sont sensiblement les mêmes d’un opus à l’autre, seul le point de vue diffère. Le lecteur se sent un peu comme l’enquêteur qui entend différents témoignages pour avoir une juste compréhension des événements. La structure pourrait s’avérer complexe, mais Gaet’s en assure la lisibilité. Une relecture de l’ensemble permet toutefois de mesurer la rigueur de son travail et, surtout, d'apprécier la richesse de la construction.

Au terme de cet ultime chapitre, où l’auteur attache les ficelles, le bédéphile ressent cependant une certaine insatisfaction. Alors que l’atterrissage se fait sans réelle surprise, il se demande si la cinquième livraison, consacrée à Fanette, n’aurait pas constitué un meilleur épilogue. La perspective de la tenancière, en retrait de l'action, offre un regard différent sur les choses. Pour tout dire, Eugène n’est pas le personnage le plus intéressant et il y a relativement peu à dire sur lui.

Les illustrations semi-caricaturales de Julien Monier demeurent à la hauteur du projet ; l’artiste démontre avec éloquence la misère économique, sociale et affective des compagnons d'infortune. Son dessin, avec mouches, moisissures et effluves que le lecteur devine nauséabonds, exprime les conditions peu enviables dans lesquelles s'exerce le boulot. Tout apparaît sombre dans ce récit, y compris la colorisation toujours foncée, comme si un fin voile de suie s’était posé sur les planches.

Succès populaire et critique, RIP aborde le polar d’une façon très originale, il serait étonnant que cette série repose en paix, six pieds sous terre.

Moyenne des chroniqueurs
7.0