Padre Sicario

D ans une prison colombienne, un individu confesse les péchés de ses comparses détenus. C’est Padre Sicario, un homme de main repenti du cartel de Cali purgeant sa peine. C'est après avoir eu une révélation pendant son incarcération qu'il a endossé ce rôle. Prochainement libéré, il ne souhaite rien plus que retrouver sa famille et, en tant que pasteur, bâtir un temple dans le quartier où il est né. Ramener Dieu et en bannir le Mal : lourdes sont les tâches qui l'attendent car à sa sortie. Il constate que l'endroit n'a pas changé : stupéfiants, police, corruption, agressivité… L'objectif est d'autant plus difficile que tout le monde dans son entourage ne le voit pas du même œil.

Sur fond de trafic de drogue dans une Colombie contemporaine, le duo de scénaristes bâtit un récit sombre, nerveux et surtout, crédible. Thomas Dandois (grand reporter et réalisateur de documentaires) s'est en effet inspiré de sa rencontre avec un ancien tueur à gages devenu ecclésiastique, celui-ci a donc servi de base pour le personnage principal. Avec son co-auteur Stéphane Marchetti, il a mis en images une rédemption qui tourne au drame. La confrontation fratricide avec ses face-à-face inévitables est particulièrement bien menée. Le piège va se refermer sur le héros et sur ses proches. Avec son attitude un peu christique, caractéristique accentuée par le physique imaginé par le dessinateur), il va en effet attirer dans son sillage toute une série d’habitants, séduits par son charisme et désireux de rompre avec la spirale de la violence infernale. L'intrigue passe habilement du présent aux épisodes du passé en éclairant les êtres et les rapports qu’ils entretiennent les uns avec les autres.

Vladomiro Merino, artiste argentin issu du comics, met en scène avec beaucoup d'énergie et de spontanéité la noirceur nécessaire au drame qui se noue ici. Il joue sur des effets de mise en images spectaculaires lorsqu’il le faut (superbes pleines pages), avec une belle vitalité dans son trait abrupt. Ce dernier fait autant la part-belle aux regards perçants des personnages qu’aux décors menaçants des barrios. La colorisation complète idéalement l’ambiance poisseuse avec une gamme restreinte de teintes délavées en aplats pour dégager une réelle personnalité.

Un ouvrage de qualité sur une histoire dure, tant dans le fond que sur la forme.

Moyenne des chroniqueurs
7.0