Les exilés de Mosseheim 1. Réfugiés nucléaires

L orsqu’explose la centrale nucléaire de Mulhouse, la thèse de l’attentat terroriste est immédiatement retenue. Dans les jours suivants, des centaines de milliers de Français, Allemands et Belges sont accueillis dans un immense refuge en Suède. Christophe Murrat, un restaurateur venant tout juste d’obtenir une étoile au Michelin, s’y trouve avec femme et enfants. La vie y est rude. Au menu : dissensions familiales, promiscuité, tensions raciales, sans oublier les victimes d’irradiation qui se meurent. Les autorités tentent tant bien que mal de maintenir l’ordre dans ce lieu où tous ont compris que leur vie ne serait plus jamais la même. Start-Up City, une initiative privée validée par l’Union européenne cherche du reste à développer le potentiel économique du camp.

Sylvain Runberg et Olivier Truc signent un scénario convaincant. Le tandem a réduit au minimum les pages consacrées à l'accident et à la migration pour se concentrer sur les affres de la cohabitation. Comme dans tout récit apocalyptique, les survivants ont tôt fait de se polariser et de s’affronter pour accaparer des ressources forcément restreintes, par exemple une bicoque avec salle de bain et chambre.

Les auteurs distillent par ailleurs des indices conduisant à une deuxième trame narrative, à savoir les enjeux géopolitiques liés à la catastrophe. Dans la toute dernière portion de l’album, ils s’éloignent du terrain pour présenter un président français, ses conseillers et ses faiseurs d’images aux abois. Cet exposé se révèle du reste plus intéressant que le quotidien des migrants ; il pique la curiosité du lecteur et attise l’intérêt pour la deuxième partie du diptyque.

Julien Carette adopte un trait réaliste pour illustrer cette histoire. Bien que les personnages soient nombreux, il s’assure que tous se montrent aisément reconnaissables. Certains acteurs ont cependant tendance à surjouer. Le découpage apparaît créatif, sans pour cela entacher la lisibilité de l’ensemble. Pour tout dire, l’artiste semble humblement mettre ses pinceaux au service de la narration et le bédéphile s’attarde finalement assez peu à son travail.

Après avoir vu les camps de réfugiés africains et moyen-orientaux aux journaux télévisés, l’Occidental réalise qu’il suffirait d'un coup du sort pour qu’il se trouve de l’autre côté de la clôture, avec ceux qui essaient de survivre et de conserver un semblant de dignité. Ce renversement de perspective constitue une agréable surprise.

Moyenne des chroniqueurs
6.0