Grandville 3. Bête Noire

N apoléon XII est mort. Suffisant pour que la révolution s’embrase. En l’espace d’un quart de siècle, l’empire français – que tout le monde jugeait inébranlable et qui imposait sa force à toute l’Europe – a ainsi connu deux bouleversements majeurs. Le premier avec l’indépendance acquise par l’Angleterre, à l’issue d’une longue période de désobéissance civile. Le second avec la chute de la dynastie napoléonienne. Le Conseil révolutionnaire a désormais pris les rênes et s’apprête à organiser les premières élections libres et justes du pays. Pour l’occasion, une large fresque devant célébrer l’idéologie socialiste a été commandée au peintre Gustave Corbeau. Mais cette évolution de la société n’est pas du goût de tout le monde et quelques puissants industriels ont décidé de réagir. Leurs intérêts sont en danger et il s’agit de préserver leurs privilèges…

Elles l’avaient annoncé et elles l’ont fait ! Après avoir réédité les deux premiers opus de la série (Grandville et Mon amour) déjà parus chez Milady Graphics, les éditions Délirium enchainent avec le troisième tome, inédit en France. Et il y a de quoi regretter que ce titre ait mis autant de temps à traverser la Manche. Car Bryan Talbot y prolonge avec brio son monde uchronique et son exploration du genre policier. Cette fois, l’histoire rend principalement hommage à James Bond, et cela dès la couverture. Mais, comme dans les précédentes aventures, les nombreuses influences se mêlent. Le récit met, par exemple, également en scène un crime impossible dans une pièce close, figure caractéristique du roman à mystère. Pas de quoi effrayer l’inspecteur détective Lebrock de Scotland Yard, qui tient autant du célèbre agent du MI-6 que d’Hercule Poirot ou de Holmes.

L’enchevêtrement entre moments d’action effrénée et enquête menée plus posément aboutit à des variations de rythme et impose un découpage différent selon les scènes. À l’aise en toutes circonstances, l’auteur maîtrise son sujet de bout en bout, tant dans le déroulé de son scénario que dans sa mise en images. Si la mise en couleurs manque peut-être, çà et là, d’un peu de raffinement, le design de chacun des personnages est réussi et les décors sont riches. Les planches sont par ailleurs truffées de références, notamment artistiques (pour la plupart expliquées dans un précieux supplément en fin d’album), que le lecteur est naturellement tenté de dénicher.

Plaçant la lutte des classes au cœur de l’intrigue, Bête Noire est une enquête réussie de plus à mettre au crédit de Lebrock le blaireau et son fidèle adjoint Ratzi … mais aussi et surtout de leur créateur britannique.

Moyenne des chroniqueurs
8.0