Les fleurs aussi ont une saison

D es rires d’enfants fusent dans des allées bien rectilignes bordées de tombes grises. La promenade est habituelle et les petits n’ont pas peur, aussi Cécile sourit. « Qui est morte en premier ? », lui demande sa fille. Les souvenirs affluent et la mère raconte. Cette année-là, dans un ciel tranquille, un nuage était apparu suivi d’un triple séisme arrachant des figures essentielles à Cécile et aux siens, tandis qu’une flamme de vie grandissait en son sein.

La perte d’un être cher est déjà douloureuse et ébranle celui ou celle qui y fait face. Que dire alors lorsqu’elle devient plurielle en l’espace de quelques mois ? Comment affronter la maladie, la mort et le deuil, sans oublier de vivre ? Album aux accents personnels et cathartiques, Les fleurs aussi ont une saison répond à ces questions avec justesse, grâce aux talents conjugués de Camille Anseaume et Cécile Porée. La première déroule le récit avec ce qu’il faut d’à-propos, en ponctuant les plages tristes et nostalgiques de bouffées de joie ou d’humour impromptues qui permettent de respirer et de ne pas sombrer. L’importance des liens, notamment de fille à mère et entre sœurs et jumeaux, est habilement transcrite et revêt un caractère particulier du fait de la grossesse de la narratrice au moment des décès successifs de celles qui comptent pour elle. L’état de sidération est bien montré, de même que les questionnements qui s’invitent parfois sans crier gare et cela jusqu’à la fin qui rappelle que la venue au monde constitue également un combat qui n’exclut pas le drame.

Le dessin de Cécile Porée accompagne harmonieusement le propos, au moyen d’un trait fin, à la fois réaliste et expressif. Il est rehaussé de couleurs vives tranchant avec le reste en nuances de gris. Le découpage des séquences et les cadrages variés fonctionnent parfaitement et invitent au cœur de l’intimité de cette famille durement frappée par les deuils. Les cases, assez grandes, s’affranchissent parfois des bords ou cèdent la place à des illustrations en pleine planche. Le soin apporté aux éléments de décor participe à l’immersion ; renforçant le caractère vécu du récit, il permet aussi de se raccrocher à ce qui reste vivant, quotidien, rassurant.

Bande dessinée à la saveur douce-amère, Les fleurs aussi ont une saison émeut par la délicatesse de son traitement. Une jolie réussite pour ses autrices.

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Moyenne des chroniqueurs
8.0