Le nom de la Rose 1. Livre premier

I l est des œuvres qui, la qualité et le succès aidant, finissent par appartenir plus à ceux qui les lisent qu’à ceux qui les écrivent, Le nom de la rose est de celles-ci. Exigeant, d’une érudition rare, elle n’en demeure pas moins un best-seller mondial. Dès lors, vouloir en faire l’adaptation en bande dessinée pourrait relever du péché d’orgueil si ce n’était l’un des maitres actuels du 9e Art qui osait. Au commencement était le verbe… mais un bon dessin vaut-il mieux qu'un docte discours ?

Dans un exercice de la sorte, la principale difficulté consiste, sans toutefois en renier l’esprit, à résister aux charmes de la lettre pour mieux succomber à la diablerie de l’image. Comme le métaphorise Milo Manara « …/… face à cette cathédrale, l'enjeu était d'identifier les murs porteurs et d'enlever des pierres sans la faire s'écrouler, retirer ce qui n'était pas indispensable à sa stabilité » afin de l’adapter aux exigences inhérentes à la bande dessinée !

Structuré selon le rituel bénédictin autour de sept journées ordonnancées de matines à complies, Le Nom de la rose est tout à la fois un roman historique, un thriller médiéval, une hagiographie éclairée, une chronique sur la vie monacale du début du XIVe, un essai sociologique et théologique, voire un traité de philosophie… Mais alors, que favoriser sans dénaturer l’intention initiale ? Que retenir sans trahir l’essence du propos ? Ou encore qu’ôter sans en faner la dimension symbolique ? Milo Manara a dû faire des choix qui invitent logiquement à considérer cet album indépendamment du récit initial : la bande dessinée possède sa propre codification qui n’est pas celle des gens de lettres. Ainsi, le 9e Art, au-delà de la pratique de l’ellipse, donne la possibilité de représenter en une seule case, en une seule planche… une page, tout un chapitre, à l’instar de ces enluminures aux marges d’un parchemin ou du portail de l’abbaye dans lequel Adso se perd. Ceux qui auraient encore en mémoire leur lecture passée, discuteront probablement sur les choix opérés, mais ne pourront nier la justesse de ceux réalisés !

Moins flamboyant ou habité que son Caravage et malgré un scénario qui opte pour le thriller médiéval, Milo Manara sait - sans pour autant renier ses démons intérieurs - conserver une partie du sacré consubstantiel de l’œuvre originelle, ne serait-ce qu’au travers des lavis et de la mise en couleurs de Simona Manara qui n’est pas sans rappeler le tissu des bures monacales, la lumière des jours gris et neigeux ou les teintes des pavés abbatiaux !

Moyenne des chroniqueurs
7.0