Comte Wilfred Fondateur d'une nation !

A ux 8è et 9è siècles de notre ère, le nord de la péninsule ibérique a été l'objet de bien des convoitises et le théâtre de maints affrontements. Les Wisigoths en sont chassés par les musulmans, qui imposent leur civilisation. Naissent ainsi une région nommée Al-Andalus, et sa capitale, Cordoue. Les Francs tentent de prendre cette région et ne parviennent qu'à renforcer la frontière. Le territoire est divisé en comtés et, rapidement, les seigneurs locaux prennent le pouvoir. L'unité se lézarde des deux côtés. Le roi Franc, pour récompenser la loyauté de sa famille, nomme Wilfred la tête de plusieurs fiefs. Sa mission est de peupler ces terres inhabitées et de les agréger solidement au royaume. Il utilise ainsi le système de l'aprision : un paysan devient propriétaire d'une exploitation après l'avoir travaillée pendant trente ans. Châteaux et églises sont construits pour unifier les peuplades. Côté sud, Loup Ibn Muhammad, jeune notable, affiche ses ambitions de conquête. Il envoie régulièrement des expéditions pour détruire les récoltes, apeurer les serfs et les inciter à partir. Mais il œuvre surtout à la capture d'Emma, la fille de Wilfred, pour en faire une monnaie d'échange.

Oriol Garcia i Quera, scénariste et dessinateur, s'est spécialisé dans l'histoire de son pays (Majorque 1229, Le Seigneur de Castellet) et s'attache à extraire de l'oubli des événements et des personnages qui peuvent être considérés comme fondateurs. À l'instar de ses consœurs et confrères qui s'adonnent à la bande dessinée historique, il s'appuie sur un vaste corpus de données rigoureusement établies et tisse une intrigue qui s'enroule autour d'un nombre restreint de protagonistes. Épisodes attestés et scènes fictives alternent ainsi dans une réelle fluidité et une vraisemblance accrocheuses. Wilfred s'illustre par sa loyauté, la rigueur de sa démarche et ses valeurs humanistes. Il entrera dans la légende comme celui qui a fondé la Catalogne.

Le trait de Garcia i Quera est de facture classique et ne désorientera pas un lecteur rompu à la mise en image du Moyen Âge. Il n'a pas la personnalité de Hermann (Les Tours de Bois-Maury) ni celle de Bourgeon (Les Compagnons du crépuscule) mais évoque des séries telles que Le Chevalier Ardent (François Craenhals) ou Les Écluses du ciel (Rodolphe et Rouge). Cet album ne présente rien de révolutionnaire ni de maladroit. Il a cependant le mérite, comme les autres opus du même auteur, de mettre en lumière des figures quasiment oubliées et de procurer un agréable moment de lecture. Le jeune lectorat et les férus de récits médiévaux y trouveront leur compte.

Moyenne des chroniqueurs
7.0