Hemingway (Jason) Hemingway

P endant les années folles, nombreux sont les artistes américains à s’être installés dans la capitale française. Ils cherchaient là l’excitation et l’effervescence qui naquit d’un pays exsangue au sortir de la première guerre mondiale. De terrasses de cafés en salles de combat de boxe, on arpente les rues du quartier Latin dans les traces d’Hemingway, de Scott Fitzgerald et d’Ezra Pound et l’on découvre qu’il n’est pas si simple de survivre grâce à son art. C’est peut-être d’Hemingway que viendra la solution…

Jason nous prend d’emblée à contre-pied avec son postulat de départ. Et si c’est artistes de renoms n’avaient pas usés leurs plumes et leurs cahiers à écrire des romans ou des poésies mais bien à encrer des cases et à ciseler des répliques ? Après tout, cette force créatrice aurait pu se manifester sous différentes formes y compris la bande dessinée si elle n’avait pas été à l’état d’embryon à l’époque.

Mais passé l’effet de surprise, on tombe quelque peu en léthargie, ce qui est finalement bien légitime si on considère la douce torpeur dans laquelle ces auteurs semblent vivre malgré tous les aléas qui parsèment leurs vies. Cela est renforcé par le graphisme extrêmement statique de Jason, qui s’accommodait finalement mieux du noir & blanc muet. De plus, il n’est pas aisé de rentrer dans l’histoire et de s’approprier les personnages tant ils se ressemblent tandis que la fluidité du découpage fait souvent défaut. Et puis, au plus profond de notre somnolence, vient le dénouement qui remet notre esprit en état d’éveil complet voire même en stimulation totale. Traité sur le mode de la multiplicité des points de vue, on découvre dans l’œil de chaque protagoniste un nouvel angle venant éclairer le théâtre de la scène finale.

Jason nous livre ici une histoire de facture très classique alors que le postulat de départ était très alléchant. On reste sur l’impression que la première moitié de l’album n’est qu’un faire-valoir pour la scène finale, entraînant par–là même un déséquilibre du récit. Cet album était prometteur et malheureusement nous laisse dans la bouche comme un goût d’inachevé. Dommage.

Moyenne des chroniqueurs
6.6