Paysans, le champ des possibles

« Pays, paysan, paysage. Comprendre combien le monde paysan est le premier dessinateur du paysage…»

En 1900, près d'un Français sur deux travaillait dans l’agriculture ; cent vingt ans plus tard, les agriculteurs représentent moins de 1,5% des actifs et doivent contribuer à la subsistance de près de soixante-dix millions d'habitants comme à l’équilibre de la balance commerciale… Le retour aux méthodes de grand-papa permettra-t-il de nourrir l'Hexagone ? La réponse est probablement non ! Pour donner des ordres de grandeur, prenez cette approximation de coin de table : il faudrait (à l’erreur de calcul près) cultiver 20 % de la SAU hexagonale (26.900.000 ha) en lentilles du Puy pour couvrir le besoin en protéines de nos concitoyens sur un an !

Paysans, le champ des possibles n’est pas franchement de la BD, mais plutôt un (publi)reportage dessiné sur des archétypes de l’agriculture vivrière ! Pour autant, cela ne suffit pas pour cautionner (et perpétuer) les principes de l’intensification agricole, mais entre la douce utopie des uns et le mercantilisme des autres, il y a peu de place pour une troisième voie.

Avoir des pratiques agraires respectueuses est certes louable, si elles ne se heurtaient pas rapidement à une réalité qui les entraîne souvent bien loin des considérations écologiques. Revenir à une agronomie de quasi subsistance, c’est ne plus manger de tomate en hiver, ni d’ananas ou clémentines (sauf de Corse et si elles viennent à dos d’âne...) et vivre probablement (au niveau national) en autarcie alimentaire ! C’est un autre modèle de société que celui qui a cours et auquel la majorité semble tenir ! Le chemin est long et nous n’avons plus le temps !

Alors Paysans, le champ des possibles est intéressant dans la mesure où il permet de connaitre des expériences en circuit court… mais fermé. Aujourd’hui, d’autres défis doivent être relevés, notamment celui d’alimenter la planète (faute de quoi elle explosera socialement) avec chaque année l'équivalent de l'Italie en terres arables en moins. Toutefois, ceci n’autorise pas à faire n’importe mais imposera, un jour ou l’autre, des changements en profondeur qui iront bien au-delà de la gentrification du bocage du sud de la Haute-Vienne… Ceci passera, de fait, par la juste rémunération du travail des agriculteurs et donc la hausse du prix de la nourriture (qui en soixante ans n‘a fait que baisser en part relative) et surtout… de son partage !

Autre point de détail : en matière de paysages ruraux, il aurait été de bon ton d’approfondir ce concept en dépassant les lieux communs. Résumé rapidement, l’agriculture façonne son environnement et lui confère une valeur de paysage qui lui est globalement exogène. Ainsi, en partant du principe que le paysage est une construction intellectuelle, pour la plupart des agriculteurs (en tant que producteurs), leur parcelle s’inscrit dans un processus de production et non d’artialisation !

D’une portée graphique qui n’a de justification que celle du propos tenu, Paysans, le champ des possibles vaut par son didactisme, mais est à relativiser, sans pour autant le rejeter en bloc… sauf s’il n’a pas été imprimé sur du papier intégralement recyclé…

Moyenne des chroniqueurs
4.0