Détour par Epsilon 1. Tome 1
B
annie de Delta sans raison apparente, Tom se retrouve seule sous les murs de la cité. Elle est désormais condamnée à se débrouiller par ses propres moyens pour atteindre Epsilon, une autre ville ayant résisté à la catastrophe qui a détruit l’humanité. Un sac avec un peu de nourriture, une carte, elle n’a pas le choix que d’avancer si elle veut survivre. Rapidement, Lélé, une jeune et étrange fillette muette, la rejoint. Sur ces terres dévastées, c’est mieux d’avoir un compagnon, même un de cet acabit. Courage, en marchant d’un bon pas, le trajet ne devrait pas leur prendre plus de quelques jours.
Classique récit post-apocalyptique pimenté de féminisme, Détour par Epsilon reprend les ingrédients habituels du genre. Une héroïne esseulée traverse des territoires où la barbarie a remplacé la civilisation. Elle croise des âmes perdues, trouve des alliés inattendus et doit se battre, voire tuer, afin de rester en vie. L’ensemble est cadencé par de multiples considérations philosophiques sur le sens de l’existence. Pour couronner le tout, Tom est enceinte, ce qui permet à Lolita Couturier de renforcer le côté fragile et dramatique du récit. Très bien construit, le scénario alterne scènes d’action et moments plus contemplatifs. La fureur, la violence et le désespoir répondent au vide des grands espaces et laissent place à une réflexion profondément humaine dotée d’une grande sensibilité. Résultat, sans en avoir l’air, l’autrice tisse une histoire, certes déjà mille fois lue et vue, mais prenante et particulièrement habitée.
Fluide et doté d’une mise en scène simple et efficace, le découpage emprunte des codes autant au manga qu’à la BD franco-belge. Pas totalement abouti - il s’agit d’un premier album - le trait est néanmoins bien posé et agréable du fait de sa légèreté. Le carnet de croquis proposé en fin d’ouvrage offre un aperçu des recherches et de tout le potentiel d’une dessinatrice qui, si elle se cherche encore, sait assurément où elle va (un deuxième tome est d’ailleurs annoncé pour 2024).
Suspens, tension, coup de théâtre, Détour par Epsilon ne réinvente pas le road-movie «post-apo». Le rythme, la fraîcheur du style et de la narration apportent cependant ce qu’il faut de punch et de vitalité à ce survival dans les règles de l’art. Une jolie découverte.
7.0
