Ivo a mis les voiles

I vo est mort à Belém. Le certificat de décès reçu par sa sœur Floriana est irréfutable. Par contre, pour ce qui est de la cause et, surtout, de la raison de sa présence à l’autre bout du pays, personne n’en a la moindre idée. Cette situation gêne particulièrement Pedro. Même s’il ne l’a pas beaucoup connu, il l’aimait bien le Ivo. Le jeune homme a du temps libre et un peu d’argent à disposition. Il décide de remonter la piste de cet oncle bourlingueur devant l’éternel (pour de bon, cette fois-ci). Son seul indice est une carte postale envoyée récemment de Porto Seguro, une petite ville côtière située à peu près à mi-chemin entre Rio et la capitale du Pará. Ni une, ni deux, Pedro se met en route sur les pas du vieillard, sans savoir que cet innocent voyage dicté par sa curiosité va se transformer en une quête existentielle bouleversante.

Récit initiatique mâtiné de road-trip, Ivo a mis les voiles entraîne le lecteur pour un périple le long de la côte atlantique brésilienne. Cependant, si Nicolaï Pinheiro se fait un plaisir de partager plusieurs paysages de son pays d’origine, il s’agit avant tout d’un roman de formation dans les règles de l’art. Organisé autour d’un savant montage parallèle, le scénario suit alternativement l’enquête de Pedro et les dernières étapes de la vie d’Ivo. Ce dernier, un mécanicien de génie n'ayant jamais su se fixer, se révèle être un personnage complexe et doté d’une empathie sans borne. Prématurément usé par les années, il semble davantage fuir que vivre, comme s’il était traqué par quelques peurs ou traumatismes passés. Malgré la différence d’âge, Pedro suit la même voie que son parent. Chaque étape est synonyme de rencontres et d’émotion. Ce double portrait, triple même en comptant celui du Brésil qui dessine en arrière-plan, se montre touchant et immanquablement entraînant. Le seul bémol à signaler vient de la mécanique narrative un peu répétitive et monotone sur la longueur.

Visuellement, le dessinateur rend une copie admirable. Cadrages léchés, découpage solide et des couleurs fantastiques immergent le lecteur dans différents coins de paradis encore épargnés par le tourisme de masse. Il s’agit néanmoins d’une histoire d’hommes et de femmes. Ceux-ci concentrent logiquement les attentions de Pinheiro : regards intenses, silhouettes élancées de la jeunesse, visages marqués par les ans. La galerie est impressionnante, autant par sa force d’évocation que par sa diversité.

Trait élégant, une réelle profondeur psychologique et une humanité de tous les instants, Ivo a mis les voiles est une lecture enthousiasmante à ranger aux côtés d’Écoute, jolie Márcia de Marcello Quintanilha et de Daytripper des frères Moon/Bà.

Moyenne des chroniqueurs
7.3