Tous ensemble ! (Kris/Michalak) Tous ensemble !

À Brest, outre la pluie (c’est totalement gratuit, désolé), il y a le SB29, le Stade brestois, l’équipe de football de la ville. Grosse sensation dans les tribunes, cette année, ils sont en finale de la Coupe de France, une première depuis des décennies. Autoproclamé supporter numéro un, Kevin a donc de quoi être content et survolté. Pourtant, derrière les fanions et les chants, la réalité économique du Finistère n’est pas très reluisante. Des usines ferment, des travailleurs se retrouvent sur le pavé et, selon la rumeur, les finances du club ne seraient pas non plus très reluisantes. Il va falloir se serrer les coudes pour encourager les stars du ballon rond et trouver des moyens afin de boucler les fins du mois. Espérons que cette situation difficile ne poussera pas certains fans à avoir de mauvaises idées pour se renflouer.

Kris est un Breton doté d’une sensibilité sociale très profonde. De plus, il aime le football et codirige une collection à ce sujet (Coup de tête). Logiquement, il a combiné tous ses intérêts dans un album foisonnant et farfelu : Tous ensemble !. Mélange étrange des genres, le récit saute constamment du coq à l’âne en suivant les pérégrinations improbables d’un ravi persuadé d’être le cousin de Sylvester Stallone et d’une brochette de cols bleus désespérés face à un licenciement imminent. À cela, viennent s’ajouter des forces de l’ordre caricaturales, une libraire ambulante pas moins dépassée (dont le rôle déjà anecdotique est expédié manu militari quelques pages plus loin) et même des fans de L’En Avant Guingamp (c’est dire que le scénariste a ratissé large). Course à l’échalote grotesque et avalanche de dialogues bien sentis, la lecture s’avère surprenante et drôle, quoique passablement étouffante sur la longueur, sans compter les prolongations et les tirs aux buts. L’envie et le plaisir de raconter sont bien là, mais dans quel but et, surtout, à propos de quoi finalement ? Malheureusement, cet empilement de scènes absurdes et de rebondissements ubuesques ne proposent rien de vraiment concluant.

Trait ultra-réaliste et souci constant du détail, Emmanuel Michalak offre une copie impeccable et léchée. Décors et véhicules au cordeau, mise en page bien en place (quand elle arrive à se faufiler entre des phylactères envahissants), le cadre se montre finement retranscrit. Idem avec la distribution, celle-ci est croquée juste comme il faut, avec un peu d'exubérance, sans jamais tomber dans la caricature et l’excès. Les couleurs très justes de Juliette Laude renforcent l’impression de netteté et de précision émanant de ces planches d’une excellente tenue.

La force du collectif, les risques inhérents aux mouvements de masse, le tout nourri aux instincts primaires, Tous ensemble ! fonce dans la mêlée (zut, mauvais sport) et ne se pose pas de question. Résultat, le lecteur se retrouve plongé au cœur d’une troisième mi-temps déchaînée, sans avoir vécu le reste de la partie. Frustrant et finalement indigeste.

Moyenne des chroniqueurs
4.0