Soda 13. Le Pasteur sanglant

I l s'appelle David Hanneth Solomon, même si tout le monde l'appelle Soda. Il est flic à New York mais fait croire à sa mère, veuve d'un policier, qu'il est pasteur. Quelques photos permettaient d'entretenir ce pieux mensonge, jusqu'à ce qu'elle s'installe chez lui. Heureusement, la gentille et craintive Mary ne quitte jamais l'appartement. La ville lui fait peur et son cœur fragile ne supporterait pas le stress. Pour le héros, cela signe le début d'un étrange vaudeville. Tous les matins, il sort de chez lui, habillé en homme d'église, et se change dans l'ascenseur pour sortir en tant qu'inspecteur du NYPD.

La nature inhabituelle de ce projet, entre thriller et comédie de situation, aurait dû s'épuiser en quelques scénarios. Pourtant, Philippe Tome a réussi à créer une série assez unique, à la fois héritière de la bande dessinée classique de Marcinelle et typique du virage plus réaliste de la bande dessinée des années quatre-vingt. Titre emblématique du label Repérages, elle a acquis une aura assez particulière, véritable classique du genre. Au passage de l'an deux mille, le décalage entre les albums et la réalité devient flagrant. Soda est indissociable d'une certaine image la Grosse Pomme, mégapole moribonde et très cinématographique. Depuis, l'avènement de l'analyse ADN, du bornage des téléphones et de la vidéosurveillance a rendu les enquêtes bien moins sexys. La paranoïa héritée des attentats du 11 septembre 2001 a aussi durablement marqué New York. Philippe Tome, associé à Dan Verlinden, a intégré ces éléments dans le diptyque entamé avec Résurrection.

De son côté, Bruno Gazzotti, associé à Olivier Bocquet, a opté pour la solution inverse. Le nouvel opus, Le Pasteur Sanglant, se déroule dans les années 80, opérant un retour aux sources pour la série. Une case panoramique offre une vue imprenable sur les tours jumelles du World Trade Center. Un walkman joue un rôle important dans l'intrigue et le Bibendum Chamallow s'invite dans une parade d'Halloween. L'intrigue elle-même revient aux fondamentaux. Une ambiance sombre teintée d'humour noir et une enquête sur fond de meurtres. Pronzini tire la gueule, Bab's est infidèle et Tchaikowski continue de jouer à je t'aime-moi non plus avec son lieutenant. Quant à Mary, elle ne sort toujours pas, persuadée que son gentil garçon est serviteur de Dieu. Elle ignore qu'il est rongé d'horribles cauchemars matricides et qu'il enquête sur des meurtres sordides de prostituées. Elle n'a surtout aucune idée que la dernière victime a survécu et formellement reconnu son agresseur : Soda lui-même. Devenu suspect numéro un, il tente de prouver son innocence. Mais comment faire alors qu'il souffre de pertes de mémoire de plus en plus fréquentes et qu'il est incapable de se souvenir de ce qu'il a fait la veille ?

Ce nouveau titre s'inscrit parfaitement dans la continuité des douze premiers tomes et les auteurs annoncent d'ores et déjà leur volonté de remettre le couvert. Si la qualité reste au rendez-vous, il n'y a aucune raison de bouder son plaisir.

Moyenne des chroniqueurs
7.0