La voix des bêtes, la faim des hommes

Q uelque part dans le Sud-Ouest de la France, vers l'an Mil. Un peu avant ou un peu après, cela importe peu. Le spectre du nouveau millénaire hante les lieux. L'ambiance est lourde. La peur s'insinue dans les plus infimes recoins de la campagne. Des meurtres d'enfants particulièrement sanglants traumatisent le pays. Les autorités suspectent l'œuvre d'un loup-garou ou d'un démon. C'est dans ce contexte tendu que Brunehilde, meneuse de loups, débarque un peu par hasard. Les villageois la considèrent avec méfiance et mépris, mais aussi avec respect et crainte. Elle connaît les plantes et soigne les blessures. Il devient vite évident qu'elle doit aider à débusquer l'assassin si elle veut éviter d'être accusée.

Le Moyen Âge dépeint par Thomas Gilbert n'a rien de romantique, ni de légendaire. Il dresse un portrait réaliste et violent d'une société tiraillée par des forces contradictoires, mêlant superstition païenne et ferveur religieuse, confinant au fanatisme. Quant aux paysans, ils pensent avant tout à pouvoir manger à leur faim, quitte à malmener le lien avec la nature. Cette ambivalence entre humanité et animalité, et par extension avec le questionnement sur un rapport complémentaire ou dominateur avec la nature, occupe une place centrale dans l'intrigue. L'héroïne symbolise d'ailleurs un rapport presque chamanique avec la terre, de moins en moins compris et accepté par ses contemporains.

Le récit est âpre et rugueux, porté par un dessin habité. Les visions mystiques qui le traversent ne manquent pas de puissance, mais la conclusion sonne étrangement facile et artificielle. Si la première partie est très prenante, la suite perd progressivement en tension, peut-être à cause d'une progression un peu trop attendue à partir du moment où les derniers doutes sont levés sur le rôle de certains protagonistes. Le scénario s'achemine alors vers une confrontation assez classique, qui tranche avec l'originalité du début.

Moyenne des chroniqueurs
7.5