Jusqu'à Raqqa Jusqu'à Raqqa - Un combattant…

29 juin 2014. Ce jour-là, Abou Bakr Al-Baghdadi annonçait le rétablissement d’un califat islamique. L’EIIL (État islamique en Irak et au Levant) devenait l’État islamique, avec à sa tête un calife (signifiant « successeur de Mahomet »). Cette proclamation faisait suite à une conquête, aussi imposante qu’éclair, de nombreux territoires, notamment en Irak et en Syrie avec la prise de villes emblématiques telles que Mossoul et Raqqa. Depuis Paris, André Hébert suit ces évènements avec attention et inquiétude. Électron libre, il milite dans diverses organisations communistes et anarchistes mais n’y reste jamais longtemps, frustré par le manque de radicalité de l'engagement. Peu épanoui dans son travail, André s’intéresse aux grands bouleversements du monde. Il se penche alors peu à peu sur l’action menée par les Kurdes, qu’il perçoit comme la mise en œuvre d’un véritable idéal révolutionnaire. Dans les premiers mois de la guerre civile syrienne*, ce peuple a fait face au régime de Bachar el-Assad et créé une région autonome de facto : le Rojava (dit aussi Kurdistan occidental). Les unités de protection du peuple (YPG, branche armée du parti de l’union démocratique kurde en Syrie) ont ensuite eu à repousser le front al-Nosra, organisation djihadiste rattachée à Al-Qaïda depuis 2013 avant de devoir combattre Daech. Le 8 juin 2015, alors que l’influence de l’État islamique n’a probablement jamais été aussi grande, André monte dans l’avion et s’apprête à prendre les armes.

Pourquoi un jeune Français sortirait-il de son confort pour livrer bataille contre les terroristes islamistes ? C’est ce qu’abordent les premières pages de Jusqu’à Raqqa qui reviennent sur les motivations d’André Hébert (c’est un pseudonyme) lorsqu’il a pris cette lourde décision. Le lecteur est alors nécessairement bousculé, interpelé face à ce choix. Mais le plus dur reste à venir. Car dans ce qui s’avère être une forme de journal de guerre (des quinze mois passés sur place), l’immersion dans le quotidien des combattants apporte avec elle les incompréhensions et les horreurs tristement habituelles des conflits armés.

Traduire tout cela en bande dessinée n’est pas aisé. Sans être exempt de défauts, le résultat est de qualité. La narration est maîtrisée et le dessin ultra-réaliste de Nicolas Otéro, qui s’appuie sur un encrage puissant, sert bien l’ensemble dans un style presque photographique. Se dégage toutefois le léger sentiment d’un récit un peu rapide. Les enjeux politiques sont parfois rapidement survolés et l’état d’esprit du protagoniste, sans doute par pudeur, finalement assez peu abordé.

Malgré quelques écueils, Jusqu’à Raqqa est un puissant témoignage à découvrir.

* La guerre civile syrienne est toujours en cours depuis 2011. Pour plus d’informations et d’actualités sur ce conflit, voir notamment ce dossier par Courrier International.

Lire la preview.

Moyenne des chroniqueurs
6.7