Zaroff 2. La vengeance de Zaroff
M
aine, 1941. Le comte Zaroff coule des jours tranquilles dans un village du nord des États-Unis où il chasse discrètement ses semblables. À l’autre bout du monde, Soviétiques et Allemands s'affrontent. Ce conflit en cache une autre, à savoir la course à la bombe atomique, sans oublier la guerre froide qui se dessine. Bien au fait des habiletés du Russe pour le combat rapproché, les services secrets américains lui offrent l’amnistie s’il consent à mener un commando chargé d’exfiltrer Ludmilla Sergueïevna Dopubrovskïa, dont les travaux sur l’atome semblent prometteurs.
La vengeance de Zaroff poursuit Zaroff, une adaptation du Jeu le plus dangereux, de Richard Connell. Cette fois, Sylvain Runberg propose un scénario original ; l’esprit de l’antihéros reste toutefois intact. Bien que le récit s’inscrive dans le glacial pays de Mikhaïl Kalinine, il évoque davantage la guérilla dans la jungle vietnamienne, la chaleur en moins. La tension est bien rendue alors que chaque case peut dissimuler un piège tendu par les troupes d’Adolf Hitler. Certaines ficelles se révèlent visibles et des coïncidences font sourciller, mais n’est-ce pas le lot de la majorité des romans d’aventures ?
Étrangement, cet album tend à réhabiliter un des pires méchants de la bande dessinée. Le scénariste y démontre en effet que la fin justifie les moyens ; dans ce cas, la recherche sur une arme dont la puissance destructrice mettra un terme à la Deuxième Guerre mondiale. Ses compagnons s’inclinent devant son tempérament froid et rationnel qui leur sauve systématiquement la mise. Par ailleurs, le livre se termine sur un chapitre racontant l’enfance du protagoniste, ces pages contribuent du reste à humaniser le salopard. En fait, déjà dans l’opus précédent, le noble paraissait presque modéré, tellement son adversaire, la mafieuse Fiona Flanagan, se dévoilait hargneuse et brutale. Un peu comme si l’auteur n’arrivait pas à se résoudre à l’idée de réduire le héros à tenir le rôle de simple incarnation du mal.
Le trait hyper réaliste de François Miville-Deschênes est en phase avec le projet. Le lecteur y croit et tremble (de froid et de terreur) avec les militaires. Ses comédiens jouent juste et leurs regards sont toujours expressifs. L’artiste a visiblement fait ses devoirs, alors que les tenues vestimentaires, véhicules, commerces ou habitations demeurent convaincants. Il en va de même pour les étendues enneigées… il faut dire que le Gaspésien en connaît certainement un rayon sur la météo ingrate. Le découpage se montre dynamique, sans verser dans les excès d’effets de style. Bref, le dessinateur travaille avec retenue, s’assurant du coup que l’ensemble soit crédible. Enfin, sa colorisation exprime particulièrement bien les scènes de nuit, notamment en hiver, traduites par une teinte turquoise, un peu étrange, mais efficace.
Une suite très réussie qui plonge le personnage dans un tout nouvel univers. L’album peut facilement se lire sans replonger dans le précédent.
7.3



