L'animateur
P
our Neno, ça ne s’annonce pas très bien. Tumeur au cerveau pas opérable, le diagnostic est tombé. Sa famille tente évidemment de le préserver. Afin qu’il puisse rester chez lui, un infirmier a été engagé pour les soins quotidiens. Ça coûte cher, mais ils vont s’arranger. Par contre, pas sûr que le vieil homme accepte facilement l’intrusion d’un inconnu dans son quotidien. Et puis, il a encore du travail sur la planche, il doit réaliser un film publicitaire et il sait très bien que son temps est compté.
Neno, c’est Rodolfo Sáenz Valiente, le père de Juanungo. Dans L’Animateur, le dessinateur des Poupoutpapillonneurs (Donjon Monsters #15) raconte de la manière la plus sincère et douce les dernières semaines d’un des pionniers de l’animation en Argentine. De plus, outre l’évocation remarquable d'émotion de son papa, le scénariste en profite pour faire un mini-exposé sur les principes du dessin animé et rappeler le contexte politico-économique argentin de la seconde moitié du XXe siècle. Le sommaire est donc vaste et varié. Mais, avant tout, il s’agit d’une rencontre entre deux étrangers totalement différents qui vont être obligés de se faire confiance.
Récit à la finalité tragique, fait de petits riens aux grosses conséquences, l’album se déplie simplement. Chez ce patient diminué, chaque jour est une étape de gagnée, de celles qu'il faut accepter de prendre une à une. Comme dans l’animation en définitive. Image par image, la vie est recrée sur la pellicule. Neno s’accrochera à sa dernière commande, une dérisoire publicité pour un produit d’entretien ménager, afin de tenir le coup. De son côté, son gardien démontrera une certaine curiosité pour ce métier dont il ignore tout. Un soupçon de techniques cinématographiques, deux doigts de psychologie et une attention ininterrompue pour tenter de capter l’atmosphère de ces ultimes moments, la narration s’avère poignante, parfois drôle, sans jamais sombrer dans le désespoir.
Histoire de fin de vie, logiquement triste, mais aussi célébration de ce qu’apporte comme joie une existence remplie de passion et d’envie de créer. Juanungo a plus que largement atteint son but. Son père revit, son art et son émerveillement aussi.
7.0
