Six 1. Le massacre de Tanque Verde
Q
uintus Jones, déserteur récidiviste, croupit derrière les barreaux. Il partage sa cellule avec Tsiishch’ill. Ils revendiquent de nombreux meurtres, autochtones pour le premier, Blancs pour son compagnon d’infortune. Tout devrait les opposer, mais ils pactisent pour s’évader. Leur chemin croise celui de Royal Whitehead, un esclave en fuite. Sœur Marie-Carmel, une religieuse, résiste quant à elle à une attaque de peaux-rouges. Kid, orphelin, a perdu un œil ; il est le protégé d’Elsie, une fille de joie. Les six n’ont rien en commun, et pourtant leurs destins s’entrechoquent. Reste à savoir pourquoi.
Le massacre de Tanque Verde constitue le premier tome de Six, une série prévue en quatre volets. Ce premier segment a essentiellement pour fonction de présenter les acteurs. Philippe Pelaez, l’homme qui scénarise plus vite que son ombre, papillonne d’un personnage à l’autre, laissant au lecteur le soin de mettre de l’ordre dans la narration. Cela dit, les protagonistes sont attachants et la suite s’annonce prometteuse, d’autant plus qu’une révélation en fin d’album dévoile la nature de la quête de l’improbable sextet.
Avec beaucoup d’aplomb, l’auteur affirme vouloir décrire le véritable Ouest américain, comme en témoigne le propos du narrateur : « Oubliez les foutaises qu’on a pu vous raconter. L’Ouest n’a rien d’épique ou de romantique ; c’est un monde d’une violence incroyable […] Pour l’essentiel ce n’est qu’une jungle d’ivrognes, de voleurs et d’escrocs. » L’intention demeure noble ; le cadre dans lequel il inscrit son récit apparaît néanmoins semblable à celui de tous les westerns, de Lucky Luke à Wild West, en passant par Marshall Bass et Ladies with guns. Mais au-delà de cette ambition, âprement défendue par un dossier de sept pages, le scénariste propose une chouette histoire avec des chevaux, des cow-boys, des bandits et des Indiens.
Javier Sanchez Casado offre au bédéphile un dessin réaliste de belle tenue. La distribution des rôles est réussie ; la putain au grand cœur et la nonne à la cuisse légère ont la gueule de l’emploi (c’est-à-dire des décolletés généreux). Idem pour les hommes aux mines plus patibulaires les unes que les autres. L’artiste démontre du reste un réel talent pour représenter les animaux, notamment des loups affichant un air terrible. Les décors sont souvent sommaires, cependant, lorsque nécessaire, l’illustrateur dégaine ses pinceaux pour dessiner un village ou un saloon des plus convaincants.
Après l’humour tendre d’Un peu de tarte aux épinards, le tandem s’attaque à un univers complètement différent. Le premier chapitre se cherche un peu, mais la force des personnages augure le meilleur.
Sortez vos six-coups, les six sont là.
6.0
