Prophet 3. Pater Tenebrarum
Je suis Jack Stanton. L'homme qui a détruit le monde.
Jack était un brillant chercheur à l'université du Miskatonic. Trop "brillant" peut-être... Sur les pas de son mentor, Alexander Kandel, il mis à jour un sanctuaire aux dimensions cyclopéennes, bâti à plus de 5000 mètres d'altitude et vieux de 8000 ans, époque à laquelle l'Homme apprenait tout juste à se tenir debout. Les retombées scientifiques, historiques, théologiques même, sont alors considérables et Jack ne saisit très vite l'intérêt médiatique de cette découverte. Il est cependant loin de se douter qu'au-delà de sa gloire personnelle, ses 'exploits' attirent sur lui, et sur le monde des Hommes, l'attention de Dieux anciens et malfaisants qui régnèrent sur Terre voici plusieurs milliers d'années. Un gouffre s'ouvre alors sous ses pieds et le jette sur une Terre ravagée et hostile. Depuis, le professeur Stanton cherche les raisons de présence sur Terre désolée. Il découvre, au fil de ses rencontres, sa responsabilité dans les évènements qui changèrent à jamais la face du monde.
Ce troisième et avant-dernier tome de Prophet s’ouvre sur une douloureuse prise de conscience. Jack Stanton, héros égoïste et irresponsable, dépasse sa condition de victime pour accepter sa part de responsabilités dans la destruction du monde. Il est l'être immoral par définition : celui qui emmena l'Humanité dans sa faute. Stanton réagit enfin et donne à cette aventure fantastique un véritable second souffle. L’heure est à l’action !
Matthieu Lauffray, en architecte de fin du monde, guide ses héros à travers les ruines de ce que fût autrefois New York. Refuge d’anciens Dieux et de leur sinistre descendance, la métropole est désormais vide de toute présence humaine. Seuls quelques fantômes sillonnent encore les avenues la nuit tombée, à la suite de créatures cauchemardesques. Les teintes contrastées de cette Terre dévastée chargent l’atmosphère d’un chaos indescriptible et marquant. L'auteur nous offre également un bel aperçu de ses talents de designer. Mutants, colosses et Hurleur possèdent assez de force et de vie pour transmettre au lecteur ce sentiment de peur qui étreint en permanence Stanton, Jahir et Athénaïs, ses deux compagnons. Les découpages, le choix de cadrages, traduisent également cette volonté de mettre en scène de manière spectaculaire tout le désespoir de la situation.
Embarqués dans cette quête pour leur liberté, les personnages, jusqu'aux plus monstrueux, se remémorent leur humanité perdue et scellent une véritable amitié avec celui qu'ils considèrent aveuglément comme leur sauveur, leur prophète. Stanton connaît désormais son rôle, mais il ne peut encore se résoudre à leur révéler l'étendue de sa faute. Une nouvelle erreur dont il devra assumer plus tard les conséquences. Lauffray développe, le temps d'une veillée, la relation entre Jahir et Stanton et enfonce un peu plus son héros dans le mensonge. On découvre également la véritable identité de la silencieuse Athénaïs. Le petit groupe gagne en cohérence et devient l'unique repère de cet univers chaotique. La disparition de l'un d'entre eux n'en sera que plus douloureuse.
L'issue demeure encore incertaine et si Stanton possède désormais les clés pour sauver le monde et gagner sa liberté, il lui reste à affronter les conséquences de ses mensonges. La rédemption est encore loin...
Pater Tenebrarum, dans un registre bien différent du premier tome, renoue avec la grande aventure et mêle aux scènes d'action spectaculaires une problématique morale intéressante qui dépassera, je l'espère, la conception judeo-chrétienne du péché.
>> Voir la chronique du tome précédent, Infernum in Terra
6.2