MBS : l'enfant terrible d'Arabie saoudite

F ils du roi d’Arabie Saoudite, Mohammed Ben Salmane, alias MBS, a trente-deux ans. Il est fou de jeux électroniques, fasciné par le mode de vie occidental et aime faire la fête. Bien que peu scolarisé, il est ministre de la Défense et président du Conseil des affaires économiques et du développement de son pays. Il succédera éventuellement à son père. En attendant, il réprime violemment toute dissidence. La question des droits de l’homme embête évidemment ses alliés, lesquels n’osent pas rouspéter trop fort. La monarchie vend du pétrole, achète des armes, lutte contre le terrorisme et assure une certaine paix dans cette partie du monde… Elle laisse également planer la menace de s’allier à la Russie.

Le réalisateur Antoine Vitkine s’est associé à l’illustrateur Christophe Girard pour réaliser une enquête sur un individu discret. La tâche n’est pas facile, mais d’une entrevue à l’autre, ils tracent le portrait d’un politique et d’un État qui, en moins de trois ou quatre générations, est passé du Moyen-Âge à la modernité. Les hydrocarbures n’étant pas éternels, les dirigeants comprennent qu’ils doivent faire vite s’ils veulent s’imposer dans la dynamique mondiale.

Le livre apparaît d’ailleurs comme un petit traité de realpolitik. Emmanuel Macron et Joe Biden se pincent le nez et transigent avec cet ami peu fréquentable. Il paraît que la fin justifie les moyens.

Fractionné en courts chapitres (L’enfance de MBS, Luttes pour le pouvoir, Promesses d’avenir, etc.), l’album se lit comme un roman. Le personnage se montre aussi fascinant que terrifiant. Un méchant violent, doublé d’un autocrate apportant une forme d’espoir dans un Moyen-Orient souvent dominé par les théocraties, voilà d’excellents ingrédients pour un récit enlevé.

Le trait semi-caricatural de l’artiste porte bien le projet. Les acteurs se révèlent expressifs et le protagoniste particulièrement menaçant. Les décors demeurent relativement rares, pour dire vrai, cela n’importe pas vraiment dans ce projet de facture journalistique. Dans l’ensemble, le dessinateur arrive à traduire la dichotomie d’une société schizophrène, écartelée entre la tradition et l’avenir.

MBS figure dans le club des despotes, lequel regroupe les peu recommandable Xi Jinping, Recep Tayyip Erdoğan et Vladimir Poutine, sans oublier Donald Trump. Ce qui donne froid dans le dos, c’est que le roi en devenir vient à peine de souffler ses trente bougies.

Moyenne des chroniqueurs
6.0