Hanbok

C alée dans le siège d’un avion, Sophie cherche un sommeil qui ne vient pas. Trop de pensées l’assaillent. Elle ne sait presque rien de la Corée du Sud, ce pays qu’elle a quitté à quatre ans pour devenir, avec ses sœurs, la fille d’un couple de Français. Elle n’a aucun souvenir non plus de sa famille biologique. Accompagnée de Virginie qui a déjà fait le voyage précédemment, elle s’immerge pour découvrir ses racines, d’abord ballotée d’un site à l’autre avec un groupe d’autres adoptés coréens, puis en rencontrant ces inconnus : tantes, oncles, cousins, génitrice…

Ancienne résidente de la Maison des Auteurs d’Angoulême, Sophie Darcq met, depuis, son talent au service de plusieurs revues. Suite au voyage qu’elle a effectué en Corée du sud, en 2004, pour retrouver ses origines, elle a entamé l’élaboration d’un récit autobiographique, annoncé en deux tomes : Hanbok, publié aux éditions L'Apocalypse. Ce titre se réfère, évidemment, à la robe traditionnelle des femmes coréennes, mais symbolise également un élément important de l’histoire personnelle de l’autrice.

Assez linéaire, la narration du séjour au pays du matin calme occupe la majeure partie de l’album. Elle est ponctuée par des intermèdes sous forme de lettres destinées à une amie, Djouhyonn. Ces épisodes reviennent sur l’adoption, les premiers pas en France, quelques souvenirs d’enfance, ou encore la formation artistique de Sophie Darcq ; ils révèlent également les questionnements de cette dernière sur sa famille de sang, notamment sur la femme qui l’a mise au monde. Ces interrogations percent à de nombreux moments pendant le voyage, témoignant avec authenticité des craintes ressenties – à qui ressemble-t-elle -, de la gêne qui s’installe durant les échanges laborieux – du fait de la barrière linguistique - avec cette parentèle qu’elle ne connait pas. L’artiste porte également un regard acéré sur ces rassemblements d’adoptés, entraînés de visites et d’activités en soirées, selon un tempo bien réglé et dans un cadre plus chic que les auberges ou petits hôtels dans lesquels elle et sa frangine descendent.

La partie graphique, en noir et blanc, alterne des illustrations réalistes – notamment des portraits à partir de photographies - avec un style expressif plus ou moins lâché qui devient presque caricatural dans les passages épistolaires, dénotant d’une agréable vivacité. De même, la composition des planches joue sur les cadrages, s’affranchit çà et là des contours de case, inclut quelques pleines pages et inserts. Par ailleurs, bien que le dessin se focalise sur les protagonistes, des paysages soignés viennent agrémenter le propos et témoigner de la beauté des lieux visités.

Roman graphique autour de l’identité et de la quête des origines, Hanbok immerge avec justesse au cœur du périple intime de son autrice. Une belle découverte.

Moyenne des chroniqueurs
7.0