Section de recherches 1. Le loup de Nancy

E n 2020, aux environs de Nancy, un chasseur découvre le cadavre d’une jeune femme à l’arrière d’un véhicule de gendarmerie. Sur place, le major Guilhem Marck est doublement glacé d’effroi. La mise en scène méthodique qui entoure la dépouille est à la fois propre et glauque. Mais surtout, elle renvoie à une vieille enquête, dont le dénouement supposé remonte à 2009. En trois ans, le Loup de Nancy avait fait neuf victimes. Retour improbable onze ans plus tard ou imitateur sordide ? La plupart des détails correspondent. Alors Marck appelle Ruben Reissinger, le collègue avec lequel il avait traqué le psychopathe. L'homme investigue à Trouville-sur-Mer sur le crash d’un Mirage et il ne croit pas à un retour. Il en est certain, il a abattu l’assassin en décembre 2009. Trois balles l’ont touché au torse et à la gorge, puis il est tombé dans la Moselle. Néanmoins, Reissinger fait lui-même des constatations, échange avec Marck. Il ne veut pas admettre que le Loup soit toujours en vie, qu’il ne soit pas mort et qu’il revienne après tout ce temps. Seulement, les faits parlent d’eux-mêmes et Reissinger doit se résoudre. À cette certitude ébranlée, sur laquelle il a construit sa carrière, s’ajoute le désarroi d’une promesse qui n’est finalement pas tenue. Clara Neuville a été sauvée des griffes du Loup. Elle s’est reconstruite sur l’assurance qu’elle était désormais hors de danger. Il n’en est rien. Comment le lui annoncer ? Ruben a maintenant des comptes à régler avec lui-même.

Section de recherche se présente comme un diptyque. Il a pour cadre la gendarmerie de l’air, dont les missions sont peu connues du grand public. Elles justifient ainsi la parution du Loup de Nancy chez Zéphyr, département de Dupuis, spécialisé dans les aventures aériennes. Le scénario est signé Emmanuel Herzet (Alpha, Les Prométhéens) ; c’est Gerardo Balsa (U.47, L’Ombre du condor) qui réalise la mise en images. L’intrigue et le contexte s’inscrivent dans une veine de polars qui est fleurissante sur le petit écran actuellement : les protagonistes sont des gendarmes, l’environnement est rural, des liens extra-professionnels unissent les principaux personnages. D’autres motifs sont plus classiques : le serial killer, une part d’ombre hantant le héros, une démarche scientifique de déduction. Malgré ces éléments pas toujours originaux, le récit fonctionne bien. L’écriture avance efficacement entre le présent, le passé, les recherches proprement dites et l’exposition de la psychologie des enquêteurs. Les dialogues sont bien menés ; un humour dosé y est bienvenu. La technique du cliffhanger est maîtrisée et accroche le lecteur.

Le bémol qui peut être exprimé concerne le graphisme. Le dessin, visiblement numérique, offre des personnages réalisés sans défaut et des décors ou paysages irréprochables. Le problème est l’inscription de l’individu sur l’arrière-plan. La superposition choque l’œil, donnant l’impression que les éléments ne sont pas dans la même texture. Le décor devient artificiel, comme dans ces films des années quarante, lorsque le réalisateur voulait donner l’impression de déplacement ou de paysages grandioses, dans l’étroitesse d’un studio. Ce défaut mis à part, Le Loup de Nancy se lit avec plaisir. Il ne révolutionnera pas la bande dessinée. Ça tombe bien, ça n’est pas son ambition.

Moyenne des chroniqueurs
6.0