In memoriam 1. Manon

P aris, dans un avenir proche, mais décalé. Dans ce macrocosme, la magie s’inscrit dans le quotidien. Cependant, du jour au lendemain, dans un grand fracas inexplicable, la société bascule. Les enchantements sont perturbés et des quartiers soustraits aux lois de la physique. La capitale devient la proie de troubles et des milices pourchassent les sorciers. Adam en fait partie ; il collabore avec Manon, une policière, pour retrouver une fillette qui pourrait apporter bien des réponses aux maux affligeant la métropole. Un duo d’assassins recherche aussi la gamine, ses intentions semblent toutefois moins nobles.

Manon, le premier tome de In memoriam, se révèle plutôt dense. Le scénariste Mathieu Salvia y présente une vaste galerie de personnages. Certains sont laissés en plan alors que d’autres surgissent ; leurs destins finissent par se croiser mais, par moments, le lecteur galère pour mettre de l’ordre dans ce foisonnement. Les enjeux paraissent également complexes ; le microcosme est singulier et il y a beaucoup d’informations à absorber.

Cela dit, le scénario se montre efficace. L’action abonde dans ce monde post-apocalyptique mâtiné de fantastique. Le désordre est omniprésent et les affrontements fréquents. Le traitement des protagonistes est néanmoins intéressant. L’auteur s’assure de leur donner une certaine profondeur ; ainsi, le couple de la flic s’étiole et l’ancien magicien souffre des persécutions des vigiles, même s’il mène une vie en apparence tranquille. Bref, ils sont attachants.

En début d’album, les pages de garde, en forme de prospectus du Paris « Capitale mondiale des arts et de la sorcellerie » font rêver. Le bédéphile y découvre la présentation du Musée de la sorcellerie, celle des Bureaux de l’Ordre des sorciers ou encore du Cercle Vendôme. Cet univers intrigant n’est malheureusement pas vraiment exploité. À la fin du livre, la reprise du même document, avec notes et ratures, traduit le changement qui s’est opéré.

Le dessin de Djet rappelle l’esthétique du manga. La composition est dynamique : cases obliques, vignettes superposées, variation continue des angles, onomatopées tonitruantes et marques de mouvement traduisent bien l’esprit du projet. Par ailleurs, les comédiens aux visages anguleux ont la gueule de l’emploi dans cette histoire centrée sur la baston. Les décors apparaissent passablement épurés, il y aurait pourtant eu de quoi faire avec un tel sujet. Enfin, une généreuse couche de couleurs acidulées contribue efficacement à renforcer le climat de violence et de tension.

Un opus initial qui ne convainc pas tout à fait, même s’il suscite la curiosité. Peut-être les auteurs auraient-ils gagné à prendre davantage leur temps pour situer les enjeux avant de passer aux scènes d’action.

Moyenne des chroniqueurs
6.0