Mademoiselle Sophie Mademoiselle Sophie ou la fable…

C ’est le retour des vacances de printemps. Mademoiselle Sophie, l’institutrice, semble avoir changé. Elle a beaucoup grossi pendant les congés. Mais ce n’est pas tout : elle est fuyante, son regard semble triste et, chaque midi, sa porte est fermée et les rideaux tirés. Cette situation inquiète le jeune Romain, qui ne reconnaît plus son enseignante préférée. Du haut de ses onze ans, presque douze, le garçon s’apprête à traverser la rue pour entrer au collège, à la rentrée prochaine. Terrifié à l’idée de grandir, il souhaite surtout comprendre les souffrances qui, soudain, ont l’air d’accabler sa professeure.

Pour leur nouvelle collaboration après Les Ombres et Incroyable !, Vincent Zabus et Hippolyte ont choisi de raconter une fable aux allures animalières pour mieux parler des humains. Pas question pour eux, cependant, de ne pas assumer pleinement les sujets abordés. Le lion et l’hippopotame (c’est le sous-titre qu’ils ont choisi) sont ainsi seulement convoqués de-ci de-là, pour mieux illustrer le discours. Mais les deux protagonistes sont bien une grosse dame et un pré-ado. Leurs douleurs et leurs questionnements sont alors esquissés avec délicatesse et sans détours. D’un côté, le rapport pénible (maladif ?) à son corps et au regard des autres. De l’autre, la dure découverte du monde des adultes. Au rythme de la préparation d’un spectacle de fin d’année, le scénariste fait évoluer ses personnages et s’immisce progressivement dans leur intimité tout en distillant d’indispensables messages de tolérance. Chacun-e pourra s’y retrouver, s’y reconnaître même. Car si certains tourments sont peu abordés (du moins, en bande dessinée), ils correspondent à une réalité du quotidien pas aussi rare qu’il peut y paraître.

Propos du récit et choix graphiques s’accordent à merveille. Avec son trait relâché et légèrement caricatural, Hippolyte apporte la parfaite dose de douceur pour installer le lecteur dans un cocon de tendresse. Page après page, toute la palette des aquarelles de l’artiste s’étale avec talent et justifie, à elle seule, de se plonger dans ce titre qui ne manque pas, toutefois, de bien d’autres qualités. Alliant une apparente simplicité à une grande justesse, les couleurs directes du dessinateur et le soin qu’il y apporte continuent de s’imposer comme sa marque de fabrique. Quoi de plus logique, dès lors, que dans sa dédicace en fin d’album l’auteur déclare « aux couleurs, aux éclats » ?

Mademoiselle Sophie est de ces livres qui offrent une escale de bienveillance dans un monde qui en manque parfois. Une bien belle histoire à découvrir quel que soit l’âge.

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Moyenne des chroniqueurs
7.5