L'Île du docteur Moreau (Tamaillon/Legars) 2. Volume 2

D ans ce deuxième et dernier tome de L’île du Docteur Moreau, Edward Prendick mesure les conséquences du projet du savant fou, lequel hybride des bêtes et des hommes. Le scientifique domine son étrange ménagerie par une série de principes quasi religieux, visant à contenir les comportements bestiaux : ne pas laper l’eau, ne pas marcher sur quatre pattes, ne pas faire ses griffes sur l’écorce des arbres, etc. Ainsi désincarnés, les mammifères adoptent des attitudes contre nature.

Le scénario est tiré du roman publié en 1896 par Herbert George Wells. Au moment de sa parution, le quidam a probablement établi un lien avec les travaux, alors récents, de Charles Darwin révélant que les animaux sont tous cousins. Cent vingt-cinq ans plus tard, à l’heure des organismes génétiquement modifiés, le propos a une nouvelle pertinence, même si le lecteur contemporain comprend que la fable ne s'appuie sur aucun fondement scientifique.

L’adaptation de Stéphane Tamaillon est fidèle à l’histoire originale, peut-être trop. Alors que le mystère et l’incertitude était au cœur du premier volet, ce deuxième opus repose essentiellement sur l’action. Le rythme est accéléré et la narration traduit mal le passage du temps. Le format court ne permet pas d’exposer ni de justifier subtilement certains changements de posture du protagoniste ; sans être inexplicables, ces derniers apparaissent abrupts. Cela dit, le bédéphile s’attache au héros ; il ressent son angoisse et fait siennes sa peur et son dégoût.

Le dessin de Joël Legars oscille entre le semi-réaliste pour les personnages et le caricatural pour les chiens, pumas et porcs aux allures de peluches pas toujours terrifiantes. Il est du reste dommage que les décors, notamment ceux de la jungle, se montrent rapidement exécutés, alors qu’ils constituent une composante essentielle du récit. Mention au très beau trait charbonneux qui contribue à renforcer l’atmosphère empreinte de tension.

Bien qu’agréable, cette anecdote a moins bien vieilli que La guerre des mondes ou La machine à voyager dans le temps. Les bédéistes auraient gagné à adapter le texte, quitte à commettre de petites infidélités.

Moyenne des chroniqueurs
6.0