Séraphine

C e jour d’octobre 1884, Séraphine vient d’avoir treize ans. Pour l’occasion, elle reçoit la visite du père Sarrault, qui l’a recueillie à sa naissance. Évidemment, Jeanne, la couturière qui la loge et lui enseigne le métier, grince des dents : bavarder n’a jamais rempli l’assiette et il y a du travail sur la planche. Mais rien n’y fait : l’adolescente rêve d’explorer le monde au-delà de Montmartre. Heureusement, sa tante Charlotte, une demi-mondaine, comprend son désir de liberté. Elle l’entraîne à sa suite vers l’arbre de sainte Rita, planté sur la butte, puis dans un bistrot où une occasion se présente. Séraphine servira la clientèle contre le gite et le couvert. N'est-ce pas un bon début pour s’émanciper ?

Le nouvel album signé par Edith (Basil et Victoria, La chambre de Lautréamont,
Le Jardin de minuit, Emma G. Wilford) adapte le roman de Marie Desplechin, Séraphine. Fidèle à l’histoire d’origine, l’autrice brosse le portrait d’une orpheline éprise de liberté et aux grandes aspirations, avec pour toile de fond la réalité montmartroise quelques années après la Commune.

Le récit plante rapidement le décor et présente les protagonistes, en s’attardant sur les trois protecteurs de l’orpheline : le curé bienveillant, la parente extravagante et l’ouvrière nourricière sévère. La vie artistique du faubourg parisien s’immisce à travers quelques figures masculines, tandis que les souvenirs du passé communard tendent la toile et forment le lit d’un mystère que l’héroïne aimerait bien percer. Des allusions retiennent l’attention, mais il faut attendre le dernier quart de la BD pour obtenir toutes les réponses. Entretemps, Séraphine découvre le travail de serveuse, côtoie peintres et rimeurs et fait face à la misère ambiante en prenant sous son aile le jeune ‘Mistigri’.

Pour animer cette sympathique galerie, l’autrice recourt à la ligne claire et à une mise en couleur en aplats. Le rendu possède un côté un brin naïf, tout en s’avérant expressif et agréable. Le découpage est parfaitement maîtrisé et les cases, peu chargées, retiennent l’attention en se concentrant sur l’essentiel, tout en soulignant le dénuement des classes populaires de l’époque dont les possessions restaient minces.

Adaptation réussie, Séraphine possède ce qu'il faut pour séduire le public jeunesse. À lire.

Moyenne des chroniqueurs
6.0