Shelena

J osé, maudit par son père, doit quitter Haïti par un cargo en partance pour Panama, avec comme seule richesse une poignée de piments que la pauvre Marguerite lui a remis juste avant son départ. Arrivé à Colon il fait la connaissance de Président, aussitôt exécuté par les gendarmes qui l’accusent de mener la rébellion des ouvriers. Il décide alors d’aller annoncer la triste nouvelle à l'épouse du pauvre homme, qui vient de mettre au monde la petite Rose.
Les années passent. José, qui a épousé Rose, participe à la prospérité du village grâce à la culture des piments. Mais la malédiction qui surviendra autour de lui prend lentement forme : alors que Ferdinand de Lesseps a gagné son pari et qu’on inaugure le canal de Colon à Paname, José est assassiné sous les yeux de son jeune fils, Manuel.

Shelena est l’adaptation en récit complet du roman de Jéronime Pasteur : L'enfant qui rêvait le monde publié en 2002. L’auteure, descendante du célèbre scientifique est principalement connue comme romancière et comme exploratrice spécialiste de l’Amazonie. Elle réalise ici un album d’une rare intensité brossant la destinée touchante et souvent tragique d'une famille maudite en Amérique centrale. Les événements s’enchaînent en accéléré, ce qui peut rendre le lecteur perplexe par moments, mais on retrouve une certaine sérénité par la suite, lors de la rencontre de Tonio et de Shelena.

La grande poésie se dégageant de l’histoire de cette lignée sur plusieurs générations est renforcée par le dessin tout en délicatesse de René Follet. Cet auteur qui a participé à de nombreuses publications (Spirou, Tintin, la Semaine de Suzette) avant de dessiner avec les plus grands, est reconnu par ses pairs comme un grand peintre de la BD et de l’illustration.

Pasteur et Follet nous emmène donc à la découverte d’une famille au destin incroyable, se battant dans un monde hostile contre la fatalité. Même si on peut regretter la sensation de raccourcis dus à l’adaptation d’un roman en bande dessinée, Shelena reste un bon moment de lecture.

Moyenne des chroniqueurs
6.7