Colorado Train

M ike, Don et Suzie traînent souvent ensemble après les cours. Sur les skates, les gamins refont le monde en évitant de parler de leurs problèmes. Entre le père violent de Suzie, la cavale de celui de Michael et Moe, le caïd du lycée, qui persécute Don, ils préfèrent s'évader le long des voies ferrées. Au cours d'une de leurs sorties, ils croisent Durham, un sdf débrouillard avec qui ils se lient d'amitié. Et lorsque Moe disparaît subitement, la bande se demande si ce n'est pas un coup du Wendigo...

Un nouvel album d'Alex W. Inker, chez son éditeur fétiche, Sarbacane, est toujours un événement dans le petit monde du neuvième art. En sept ans et autant d'albums, l'auteur polymorphe a su construire une œuvre atypique qui - à l'exception de Servir le peuple et Fourmies la Rouge - compose une incroyable fresque de l'Amérique. Avec Colorado train, c'est une ancienne bourgade minière au pied des rocheuses, repère d'hobos, qui sert de décor. Là, une jeunesse désœuvrée, délaissée par les adultes, va se mettre sur les traces d'un tueur inquiétant. Car l'auteur ne s'en cache pas, son objectif est de proposer un récit horrifique.

Pour y parvenir, il va, comme il aime souvent le faire, adapter son trait à son propos. Un noir et blanc gras et « sale » pour restituer une ambiance qui ne l'est pas moins. La misère sociale est ici enveloppée d'une ambiance glauque et flippante. Afin d'appuyer cette peur, l'artiste n'hésite pas à user des onomatopées à la typographie étudiée. Si son dessin peut surprendre, avec des proportions pas toujours régulières, ses cadrage serrés et sa mise en page variée lui permettent de créer une immersion forte. En transposant le premier roman de Thibault Vermot dans les années 90, l'auteur de Panama Al Brown et Un travail comme un autre ancre son intrigue dans un passé proche en plus d'ajouter une composante traumatique à son dénouement. En vingt courts chapitres (plus un épilogue qui en déroutera certain(e)s ), il parvient à faire monter la tension et le suspense jusqu'à la confrontation finale, stressante et sanguinolente.

« Adapter c'est trahir » dit le proverbe. Alex W. Inker fait sien cet adage pour livrer un album sombre et marquant. Une réussite de plus pour un auteur-caméléon dont chacune des productions interpelle.

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Moyenne des chroniqueurs
7.0