Retour à l'Eden
L
es mots comme l’image permettent de préserver l’instant et de l’inscrire dans une temporalité qui le dépasse jusqu’à, les années aidant, (se) permettre de le réinventer. Autour d’une simple photo de famille, Paco Roca remonte le cours du temps et raconte le destin de sa mère et d’une Espagne marquée par le franquisme.
Parfois comparé à Carlos Giménez pour sa capacité à analyser la société espagnole, Paco Roca continue son travail sur le souvenir. Après ceux qui s’évaporent dans La Tête en l'air ou ceux oubliés plus ou moins sciemment dans La Nueve, il semble devoir s’inscrire ici dans un parallèle à La Maison au travers de la vie d’Antonia.
Prenant pour prétexte un cliché que sa mère gardait pieusement auprès d’elle, l’auteur valencien dresse, au travers de la condition féminine de l’époque, un portait sans concession de cette fraction de l’Espagne d’après-guerre, celle qui subsistât plus qu’elle ne vécut sous Franco.
Récit authentique sous un format à l’italienne, Retour d’Eden mêle, ingénieusement, les références iconographiques pour venir enrichir un trait porté par la ligne claire et se permet, habilement, quelques incartades au classique gaufrier pour mieux en dynamiser le propos.
Simple mais dense, profond sans être pesant, largement autobiographique mais étrangement universel, le dernier album de Paco Roca est de ceux qu’il faut prendre le temps de lire afin de pouvoir en apprécier toute la subtilité.
6.0
