Une vie de gabier à bord de l'Hermione

D ans les années prérévolutionnaires, Sartine, ministre de la Marine, commande quatre frégates. L’Hermione sera l’une d’elles. Construite entre 1779 et 1780, elle entame sa carrière en quittant La Rochelle le 20 mars 1781, à destination de Boston. À son bord se trouve le marquis de La Fayette, qui part soutenir la Révolution Américaine contre les Anglais. Fort de ses trente-deux canons, le bâtiment sera mobilisé le long des côtes du Massachusetts et du Rhode Island, essentiellement sur des missions de liaison pendant les combats. Après un périple au large des Indes, il fera naufrage au large du Croisic en 1793. Son épave est retrouvée en 1984. Son renflouement et sa reconstruction durent dix-sept ans. En septembre 2014 a lieu la première sortie de sa seconde carrière.

Guillaume Tauran a été gabier à bord du navire restauré, c’est-à-dire membre d’un collectif chargé de l’entretien et de la manœuvre des voiles. Il y vécut deux mois, au cours d’une excursion qui mena l’équipage de commémorations en manifestations, des plages du Débarquement à Rochefort. Il s’avère que le jeune homme est aussi un dessinateur de talent. Il propose donc avec Une Vie de gabier à bord de L’Hermione un témoignage, vu de l’intérieur, du quotidien de l’équipe de bénévoles, venus vivre l’aventure, faire un break ou des rencontres. Comme l’écrit Yann Cariou, le capitaine, dans la préface, l’enjeu est de concilier fiction et technique.

Le lecteur est ainsi plongé dans un huis clos, au cœur d’activités rythmées, rigoureuses et parfois dangereuses. C’est une immersion dans le monde des mâts, espars, poulies, ralingues, bannettes, artimons, perroquets, focs, vergues et violons, le tout relié, actionné et sécurisé par deux cent cinquante cordages, et les nœuds qui vont avec. L’auteur donne à vivre un monde d’inconfort, de promiscuité et de peur, mais aussi d’enivrement et de griserie. L’océan, les vents, parfois hostiles, provoquent des sensations, justifiant le fait d’être ici et maintenant, sur un morceau de bois, dans un désert liquide.

Le dessin de Guillaume Tauran est de facture classique, précis pour être pédagogique, suggestif pour faire rêver. Il est mis en couleur de manière à rendre au mieux les textures du bois, les atmosphères et une certaine poésie des situations. Le dépaysement est garanti. Même si le récit manque d’envolées et que des scènes ont tendance à se répéter, les amateurs de voile ou de récits maritimes devraient y trouver leur compte. Le spectre d’une certaine Licorne plane inévitablement sur toutes ces planches.

Moyenne des chroniqueurs
6.0