Mister I

M ister I a faim et que ne ferait-il pas pour assouvir ce besoin irrépressible ? Irait-il jusqu’à commettre des actes répréhensibles ? Et bien, oui ! Les vols, meurtres et autres maltraitances s’enchaînent sur un rythme endiablé, le conduisant systématiquement vers une fin inéluctable et tragique.

Sur le même principe que Mister O, où l’on suivait l’ineffable personnage principal dans ses vaines tentatives de traversée d’un ravin, cet album regroupe 32 histoires muettes de 60 cases chacune où l’on suit d’un œil amusé le non moins ineffable Mister I. On passera rapidement sur l’aspect graphique que certains assimilent à la plus complète fumisterie alors que d'autres y voient tout simplement un trait de génie. Amis du graphisme léché et des belles couleurs directes, passez vôtre chemin…mais au risque de manquer une bonne séance de tétanisation crispée des zygomatiques !

L’absence d’espace inter case et les couleurs brutes en aplats numériques rendent l’album assez indigeste voire rebute à la lecture tant les planches ressemblent à une succession de clefs d’animations. Mais voilà bien la grande force de Lewis Trondheim, c’est un auteur qui a un sens suraigu de l’animation, à telle point qu’on pourrait presque « visionner » ces histoires comme autant de courts-métrages d’animation.

Evidemment, plus on avance dans l’album, plus il est difficile de ne pas songer à l’Ouvroir de Bande dessinée Potentielle (OuBaPo), collectif fondé en 1992 avec quelques autres acolytes (notamment Etienne Lécroart et Jochen Gerner) soucieux eux aussi d’exploiter toutes les facettes de ce média. Trondheim s’impose ici des contraintes concernant le format et la chute de chaque page, ce qui l’oblige dès lors à déployer toute son imagination pour précipiter son personnage de vie à trépas de manière inattendue. Ce qui faisait la force de Mister O tenait dans l’exploitation presque infinie de la variation autour d’un même personnage et d’un même lieu mais ici, quid de l’unité de lieu ? Malheureusement, on gagne en diversité de situations ce que l’on perd en ressort comique.

Paginée comme des albums jeunesse (i.e. 32 pages), la nouvelle collection dirigée par Lewis Trondheim se veut un lien entre les générations (« … c'est pour les grands qui savent rester petits et les petits qui veulent devenir grands… » dixit le site web Delcourt) où l’humour parfois caustique règne pour l’instant. Après seulement 4 titres, il est encore tôt pour jauger le travail de directeur de Trondheim et de bien apprécier l’apport de cette nouvelle collection dans le catalogue Delcourt…à suivre en attendant les prochaines aventures de Mister A, E ou U !

Moyenne des chroniqueurs
6.0