La longue marche des dindes

S imon n’est pas très doué à l’école. Après un énième redoublement, son institutrice lui remet un diplôme et un conseil : trouver sa voie. Le jeune paysan a l’idée d’acheter un millier de gallinacés à un voisin, puis de réaliser un profit de deux mille pour cent en les revendant à Denver. Une balade de plus de mille kilomètres. Le galopin prend la route avec Peece, l’ivrogne du village et son chien, Emmett. Chemin faisant, l’équipe s’adjoint les services de Jo, une esclave en fuite, et de Lizzie, dont la famille a succombé à la sécheresse. Tous en sortiront transformés. La longue marche des dindes est un roman jeunesse de l’Américaine Kathleen Karr, adapté pour le neuvième art par Léonie Bischoff.

Dans le langage populaire, le terme dinde est péjoratif ; il désigne l’imbécile. Il ne faut cependant pas oublier le dicton Fier comme un dindon. La romancière anglo-saxonne ne pensait certainement pas à ces expressions françaises lorsqu’elle a écrit son livre. Il y a néanmoins un peu tout cela dans l’album. Des gens en qui personne ne croit surmontent toutes les adversités pour prouver à leurs détracteurs, mais surtout à eux-mêmes, qu’ils ne manquent pas de potentiel. En creux, se lit également le rêve américain, à savoir que le travail et la persévérance seront forcément récompensés, peu importent son sexe, sa carnation et sa sagacité.

Le conte se révèle plein de nobles intentions, nappées de rectitude politique. Les noirs, les Amérindiens et les femmes se voient tous dépeints comme fondamentalement bons et le méchant (famille adoptive du garçon, père et militaires) prend systématiquement les traits d’un homme blanc. Cela pourrait agacer ; toutefois, dans le contexte de cette fable, le biais idéologique n’est pas vraiment heurtant.

Le dessin, semi-naïf, est agréable. Le coup de crayon demeure simple et les décors sommaires. Ce n’est pas vraiment problématique dans ce projet centré sur les interactions entre les protagonistes où les dialogues apparaissent abondants. L’artiste donne beaucoup d’expressivité à ses acteurs aux grands yeux noirs dans lesquels se découvre toute la gamme des émotions. La colorisation repose quant à elle sur des teintes pastel convenant parfaitement à cette aventure empreinte de douceur.

Un magnifique hymne aux cancres. À mettre entre les mains de tous les gamins pour qui la ligne droite ne constitue pas nécessairement le meilleur chemin.

Moyenne des chroniqueurs
7.0