RIP 5. Fanette - Mal dans la peau des…

L ’odeur de sueur, les murs jaunis par le temps, les poivrots qui se succèdent, les dragues de mauvais goût des clients avinés… et quelques mouches. Derrière le bar, dans son rade miteux, voilà le quotidien de Fanette : ennuyeux à mourir. Il faut dire qu’elle ne l’a pas particulièrement choisi (qui choisirait cette vie ?). Non, Fanette est en mission. Elle a un gus à surveiller. Le problème c’est qu’elle ne comprend ni qui c’est, ni pourquoi il suscite autant l’intérêt de ses patrons. Mais avec une telle mission, il y a un risque que l’intéressée mène sa propre enquête pour sortir de cette monotonie. Peut-être une bonne idée. Ou pas.

En 2018 paraissait le premier tome d’une nouvelle série au titre énigmatique : RIP. Les deux auteurs aux manettes, qui démarraient alors leur première collaboration, n’étaient pas inconnus au bataillon. Côté dessin, Julien Monier avait déjà montré son talent pour les ambiances et les trognes expressives avec quelques séries courtes comme Gant blanc ou En attendant l’aube. Au scénario, on retrouvait Gaet’s, auteur du remarqué (et primé) Léger bruit dans le moteur. Les lecteurs, attirés par la curieuse couverture d’un homme en combinaison de nettoyage, faisaient alors la connaissance d’une équipe un peu particulière chargée de vider le domicile de personnes décédées pour y dénicher quelques objets dignes d’être revendus. Le ton est donné d’emblée avec Derrick, personnage complexe, un peu paumé, foncièrement aigri par son existence et animé par le rêve d’une autre vie. Suivirent Maurice, Ahmed et Albert, d’autres membres de cette brigade un peu spéciale, qui partagent tous un fort tempérament, un charisme certain et un passé trouble.

Quatre ans plus tard jour pour jour (au rythme régulier et très appréciable d’un tome à chaque fin d’été !), voilà donc qu’arrive dans les bacs le cinquième opus : Fanette – Mal dans la peau des autres. Pour la première fois, cela n’est pas un membre de l’escouade morbide qui est au centre du récit mais un personnage qui apparaissait comme secondaire pendant les premiers livres. L’atmosphère glauque, trait caractéristique de la série, est toujours au rendez-vous. A l’image de ce qui était proposé dans la troisième volet (Ahmed), la dimension polar est ici très perceptible et l’histoire prend les allures d’une enquête. Avec les informations prises dans les précédents tomes, le lecteur en sait plus que la protagoniste… au moins au début. Mais il découvre aussi le parcours chaotique de la tenancière. Un destin rude, présentant des facettes multiples (mises en image avec brio !) et pourtant profondément anonyme.

Progressivement, une riche matière est également donnée pour permettre de comprendre les liens de la jeune femme avec les autres acteurs de cette vaste fresque. C’est indéniablement la grande force de ce titre. De nombreuses lignes de temps sont suivies parallèlement et les flashbacks se multiplient au point que la chronologie en deviendrait presque confuse. Mais une lecture attentive de l’ensemble des épisodes parus (vivement conseillée avant d’aborder celui-ci) permet au contraire de comprendre l’enchevêtrement des péripéties et des passés respectifs des personnages et révèle une savoureuse toile d’araignée !

Nouveau coup de maître avec cet avant dernier acte du « feuilleton » RIP, aux premiers arômes de conclusion. La tâche n’était pourtant pas aisée, tant les attentes créées par la série étaient fortes. Et elles ne seront que renforcées à l’approche du dénouement final qui promet de se dévoiler dans Eugène !

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Moyenne des chroniqueurs
7.8