L'inconnue du bar

J oshua travaille dans un café ; lorsqu’il a croisé Dara, il en est immédiatement tombé amoureux. Incurable timide, il n’ose l’aborder. Comme sa Dulcinée gagne sa vie dans le monde des cases et des bulles, il cherche, avec sa collègue, Manon, et un client, Maxime, à la découvrir à travers son œuvre. Les enfants y sont cependant tous dépeints comme des monstres. Dur constat pour celui qui compte bien avoir des gamins.

Après Le dessein et Mauvaises mines, Jonathan Munoz continue d’explorer les méandres de la méta-bande dessinée. Son nouvel opus, Dans la tête de l’inconnue du bar, invite à découvrir une alternance de planches de la jeune artiste et de conversations entre les membres du trio, lesquels tentent de percer l'œuvre à l’occasion de séances de psychologie de comptoir. L’analyse de chacun est évidemment teintée par ses a priori et le choc des points de vue est rigolo. Comme c’est souvent le cas, une saynète en apparence simple finit par être interprétée d’une multitude de façons. En plus de révéler la psychée et les motivations de chacun des protagonistes, ces lectures amènent le bédéphile à remettre en question sa propre compréhension de l’épisode.

Le scénariste transforme ainsi une anecdote banale (un garçon aime fille qui en aime un autre qui en aime une autre…) en une réflexion sur la subjectivité et le rôle du lecteur (à moins que ce ne soit le rôle du lecteur du lecteur), tout en conservant un ton léger. L’ensemble demeure limpide, malgré les nombreuses strates narratives.

Le projet impose deux styles graphiques contrastés. D’abord, un trait dépouillé pour les scènes de bar, puis un autre plus chargé figurant les travaux de la bédéiste. Et pour en rajouter une couche, Dara dessine elle-même les illustrations d’un artiste dont la signature est heureusement différente de celle de Jonathan Munoz... et de celle de Jonathan Munoz prêtant ses crayons à un personnage.

Une histoire joyeusement tordue, fraiche et pétillante comme un Perrier siroté sur une terrasse du Xe arrondissement.

Moyenne des chroniqueurs
7.0